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LES ALLUMETTES CHIMIQUES.                                561


       du fragment de ce corps au moment où l’on   rique contenu dans la fiole, ces allumettes ré­
       frottait l’allumette, firent renoncer au bri­  pandaient une mauvaise odeur, au moment où
       quet phosphorique. Mais le phosphore avait   elles prenaient feu. En outre, des fragments
       trop d’avantages comme agent producteur de   de la pâte étaient projetés avec de l’acide
       feu rapide et à bon marché, pour qu’on l’a­  sulfurique, et occasionnaient des brûlures.
       bandonnât complètement. On renonça au        En 1831, la fabrication des allumettes
       phosphore en substance; mais on songea à   oxygénées fut perfectionnée et transformée
       l’employer concurremment avec d’autres ma­  par un fabricant de Vienne, Etienne Rômer.
       tières non inflammables. Le Moniteur uni­  Ce fabricant substitua le Pinus austriaca au
       versel de 1819 (page 858) parle d’un certain   pin du Nord, ce qui permit d’obtenir des
       Derepas qui diminuait le pouvoir inflamma­  allumettes droites et uniformes. IJ obtenait
       ble du phosphore en le mélangeant à la ma­  mécaniquement les allumettes à l’aide d’une
       gnésie.                                    machine très-simple, sorte de rabot armé
         Les briquets oxygénés, c’est-à-dire com­  d’un fer semblable à une mèche, qui se ter­
       posés d’une pâte d’acide sulfurique et d’une   minait en courbe au lieu d’un tranchant.
       allumette enduite de chlorate de potasse et   Plusieurs trous cylindriques étaient prati­
       de gomme, avaient obtenu peu de succès     qués dans une bille de bois, qui était percée
       en France ; mais ils s’étaient conservés en   d’outre en outre, au moyen d’un foret mis
       Allemagne, peut-être parce qu’on avait pris   en mouvement par un archet. En travaillant
       plus de soin pour leur fabrication. En 1813,   ces ouvertures à la lime, on en faisait des
       le docteur Wagmann, associé au chimiste    emporte-pièces capables de pénétrer dans le
       Seybel, avait organisé largement la fabri­  bois, pour le diviser en petits morceaux. Les
       cation de ces briquets. Quatre cents person­  bûches de pin qui fournissaient ces baguet­
       nes étaient occupées dans son usine. Le chlo­  tes avaient de 70 à 87 centimètres de lon­
       rate de potasse était mélangé au soufre, à la   gueur. Au moyen d’un rabot ordinaire, on
       gomme et au cinabre, pour former le mé­    commençait par égaliser et aplanir la pièce
       lange dont on enduisait le bout de l’allu­  de bois sur un établi. Le même rabot servait
       mette. La fiole d’amiante et d’acide sulfuri­  à aplanir les sillons formés par l’autre rabot
       que, ainsi que les allumettes, étaient renfer­  à emporte-pièces. Les baguettes une fois ob-
       més dans une petite boîte cylindrique en  I tenues, on les réunissait en bottes pour les
       carton. On confectionnait les allumettes avec   couper. A cet effet, on les lie avec des ficelles
       le sapin du Nord. Ce bois était d’abord   espacées de telle sorte, que chacune se trouve
       coupé en morceaux de 6 à 7 centimètres de   située au centre du paquet, lorsqu’on a effec­
       hauteur; on fendait ensuite ces morceaux   tué le découpage. Le découpage est fait avec
       en blocs plus petits, à l’aide d’un couteau et   un couteau à lame mobile sur un axe. Les
       d’un marteau. On réunissait ces blocs en   tiges d’allumettes, ainsi produites, ont de 5
       paquets de 13 centimètres d’épaisseur, que   à 7 centimètres de longueur. Avec le bois
       l’on refendait, de manière à obtenir de pe­  brut, un ouvrier confectionne par jour
       tites tiges quadrangulaires.             ' 400,000 tiges d’allumettes. Les tiges de bois
         On finissait l’allumette en trempant un de   provenaient des forêts de la haute Autriche,
       ses bouts dans du soufre fondu et dans la   de la Bohême et de la forêt Noire du Wur­
       pâle chimique.                            temberg.
         Mais indépendamment de l’inconvénient      Depuis 1815 jusqu’en 1832, toute l’Alle­
       que nous avons signalé, c’est-à-dire l’absorp­  magne s’approvisionna des briquets oxygénés
        tion de l’humidité de l’air par l’acide sulfu-   fabriqués à Berlin par Wagmann et par
               T. III.                                                         258
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