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558                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                      sous ce nom qu’on le trouve désigné dans   le reste de la leçon, un des auditeurs rêva au lieu
                      le Journal de l'Empire du 20 vendémiaire   d’écouter, puis il demanda un entretien particulier
                                                                au professeur. Il lui exposa que ses parents avaient
                      an XIV (12 octobre 1805). On en parle en­
                                                                fait des sacrifices pénibles pour l’entretenir à Paris,
                      core dans le numéro du même journal du    qu’ils ne pouvaient les continuer, et qu’il se voyait
                     7 février 1805. Il s’agissait d’une réclama­  dans la nécessité de retourner dans son pays, lors­
                                                                que trois ou quatre ans de séjour à Paris lui seraient
                     tion de l’inventeur.
                                                                encore indispensables; qu’en voyant l’expérience
                        Voici ce qu’on lit à ce sujet (12 octobre   rappelée ci-dessus, il avait pensé à en faire l’objet
                      1805), dans le Journal de l'Empire:       d’une industrie nouvelle. Son projet était tout prêt,
                                                                il voulait mettre une pincée d’amianthe imbibée
                       « On doit à un jeune chimiste la découverte d’un   d’acide sulfurique concentré dans une petite fiole
                     nouveau briquet oxygéné. Il est aussi commode   fermée d’un bouchon ciré, tremper dans la fiole des
                     qu’utile; il diffère des briquets phosphoriques et   allumettes garnies, par-dessus le soufre, d’un mé­
                     de ceux découverts jusqu’à ce jour, en ce qu’il n’est   lange de fleur de soufre et de chlorate, collé par
                     nullement dangereux, et n’a aucune odeur désa­  un peu de gomme, coloré avec un peu de minium
                     gréable. Ce briquet sera d’une grande utilité pour   pour dérouter les imitateurs, arranger le tout dans
                     les voyageurs, les marins et même les personnes   de petits étuis de carton; il consultait Thénard sur
                     employées dans les bureaux. Le prix est de 2, 3 et   la probabilité de la réussite. Thénard naturellement
                     3 fr. 50 selon les grandeurs. Le dépôt est chez  ne voulut rien garantir, mais il encouragea l’inven­
                     M. .., etc. »                              teur à essayer, et suivit ses essais avec l’intérêt
                                                                bienveillant qu’il accordait à tous les jeunes gens
                        Une réclamation, insérée le 7 février 1806,   amoureux de sa chère science.
                                                                 « Quand la réussite fut assurée, l’inventeur vendit
                     est ainsi conçue :
                                                                son secret à M. Fumade pour quelques milliers de
                                                                francs. Et Thénard ayant dit à l’inventeur que cela
                       « Dans votre feuille du 20 vendémiaire, vous avez
                                                                valait beaucoup plus, celui-ci répondit que cette
                     annoncé mes briquets oxygénés. La manière dont   somme lui suffisait pour le temps qu’il avait résolu
                     ils ont été accueillis du public a sans doute sug­
                                                                de passer encore à Paris, et qu’il n’y tenait pas au­
                     géré l'idée d’en faire à quelques personnes, toujours   trement.
                     prêtes à s’emparer des nouvelles applications pour
                                                                 « Cette anecdote n’ôte pas à M. Fumade le mérite
                     en tirer avantage. Comme elles n’ont réussi qu’en   d’avoir deviné la valeur industrielle de l’invention,
                     partie, je crois devoir avertir le public que les vrais
                                                                d’avoir hasardé, pour l’acquérir et l’exploiter, un ca­
                     briquets portatifs oxygénés qui ont toutes les qua­  pital, qui peut être était alors pour lui d’une impor­
                     lités que vous avez annoncées, se vendent chez  tance considérable; mais l’invention proprement
                     N.  Boisseau, etc. »
                                                                dite est due à un autre dont je regrette d’avoir ou­
                                                                blié le nom. Si l’on niait que Thénard ait fait pu­
                       Cette note est signée des initiales J. L. C.,   bliquement ce récit, j’en appellerais aux souvenirs
                     lesquelles désignent, comme nous allons le   des nombreux auditeurs de ses leçons de chimie
                     voir, J. L. Chancel, préparateur de chimie   vers 1830; je pourrais, par exemple, appeler en té­
                                                                moignage M. Dumas, qui était alors répétiteur du
                     de M. Thénard.
                                                                cours de chimie de Thénard à L Ecole polytechnique,
                       Un article publié dans l’Ami des sciences   et qui a dû entendre ce même récit plusieurs fois de
                     de 1858, signé Brento, nous apprend com­   deux en deux ans. Peut-être aussi l’inventeur dont
                                                               j’ai oublié le nom vit-il encore, ou du moins quel­
                     ment se fit la découverte du briquet oxy­
                                                                ques-uns de ses amis auxquels il a dû faire part de
                     géné.                                      son affaire. Si cette note vient à tomber sous leurs
                                                                yeux, ils pourront faire connaître le nom de l'in­
                       « Vers 1830, écrit M. Brento, à l’Ami des scieaccs,   venteur, dans l’intérêt delà vérité.»
                     Thénard racontait publiquement, à ses élèves, que
                     les briquets oxygénés furent inventés à son cours   La note si intéressante signée Brento fut
                     quelques années auparavant par un étudiant pro­
                     vincial, qui n’était point M. Fumade. Suivant le   parfaitement expliquée, par une lettre de
                     récit du savant professeur, il fit un jour, dans   Chancel frères, manufacturiers à Briançon
                     une de ses leçons, l’expérience consistant à mcltre   (Hautes-Alpes), qui parut dans TA»it des
                     le feu à un mélange de chlorate de potasse en pou­
                                                                sciences, peu de temps après la publication
                     dre et de fleur de soufre en y laissant tomber une |
                     goutte d’acide sulfurique concentré ; pendant tout   de l’article que nous venons de citer. Celte
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