Page 552 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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LE PHOSPHORE. 553
champignon, préalablement trempée dans stituait toute une affaire. La combustion
une dissolution d’azotate de potasse, pour la des chiffons dans la cuisine répandait
rendre plus combustible. une fumée suffocante. 11 fallait acheter l’al
Pour faire du feu, il fallait donc avoir sous lumette chez les épiciers ou les marchands
la main trois objets, et si l’un ou l’autre des ambulants. La pierre à fusil ne faisait pas dé
trois venait à manquer, force était de res faut, mais le briquet était plus difficile à se
ter dans l’obscurité. 11 fallait : 1° une pierre procurer. De sorte que cette opération, que
à fusil, c’est-à-dire un fragment de silex, nous faisons aujourd’hui en une seconde, exi
2° de l’amadou, 3° un briquet de fer ou geait un temps assez long et tout un outillage.
d’acier ; et, nous le répétons, l’un ou l’autre Si le briquet à base de charbon, qui était
de ces trois engins étant perdu ou égaré, en usage dans les campagnes, était d’un usage
les autres étaient inutiles. La triade était embarrassant, long et compliqué, le briquet
obligatoire ; hors d’elle, point de salut. à amadou, qui servait aux citadins, n’était pas
Chez les paysans, l’amadou de champignon plus commode. Quelle adresse, quelle persé
salpêlré était remplacé par le charbon, •très- vérance ne fallait-il pas pour obtenir du feu !
combustible, qui résulte de la demi-com Que de coups de briquet destinés à la piene
bustion du chanvre ou du vieux linge. Ce à feu et qui frappaient les doigts maladroits’
charbon était préparé par les ménagères. On Le Manuel des frileux, publié à la fin du
brûlait du chanvre ou des chiffons, et, au mo premier Empire, donne à ses lecteurs le
ment où la flamme allait cesser, on étouffait moyen d’entretenir son briquet, sa pierre à
le feu dans un vase de fer-blanc, au moyen feu et son amadou bien sec. Ensuite il énu
d’un couvercle de terre ou de métal. La car mère, en ces termes, les embarras insépara
bonisation des chiffons étant incomplète, on bles de l’un de ces trois engins :
avait un charbon très-combustible, qu’il fal
«Tous lès jours, dit l’auteur, on voit des personnes
lait conserver, à l’abri de l’humidité. Quand qui, soit en se levant le matin, soit en rentrant le soir
on voulait faire du feu, on battait le briquet chez elles, éprouvent le plus grand embarras pour
avoir du feu. Vainement elles recourent à leur ama
sur ce charbon, et dès qu’un point en ignition
dou, plus vainement encore elles battent leur pierre
apparaissait sur le charbon, on mettait vite à fusil à coups redoublés. On voit bien jaillir des
une allumette soufrée en contact avec le point milliers d’étincelles, mais point de feu. Après une
où l’incandescence se produisait. Tel était grande demi-heure d’efforts infructueux, on jette
tout d’impatience et l'on se voit obligé d’aller quê
l’amadou des campagnes.
ter de la lumière chez les voisins, qui souvent ne
De grands inconvénients étaient inhé sauraient s’en procurer eux-mêmes. »
rents à cette manière d’ohtenir du feu. Il
Le briquet à silex a reparu, de nos jours,
fallait d’abord, comme nous l’avons dit, que
sous une forme élégante, à l’usage du fumeur.
la triade fût au complet, c’est-à-dire que les
Mais ce n’est qu’un joujou insignifiant, qu’un
trois pièces fussent réunies : briquet d’acier,
caprice éphémère que la mode a ressuscité,
pierre à fusil, boîte de charbon de chiffons,
et qui est à peine digne d’ètre consigné ici.
sans compter l’allumette soufrée. Mais l’hu
midité empêchait souvent le charbon de chif
fons de prendre feu, et il fallait songer à
en fabriquer de nouveau, sous peine de battre CHAPITRE VI
le briquet pendant un quart d’heure et sou
LE BRIQUET A GAZ HYDROGÈNE DE GAY-LUSSACJ PRINCIPE
vent sans succès.
CHIMIQUE SUR LEQUEL IL EST FONDÉ.
La fabrication de ce charbon inflammable
semble bien simple, cependant elle con- L’année 1823 vit une découverte très-in-
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