Page 551 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
La foudre tombant sur des matières végé Des feux plus durables se sont montrés à
tales sèches amoncelées, peut les incendier, lui dans des sources de gaz fortuitement allu
et, de là, communiquer le feu à des forêts mées. Nous 'avons parlé, dans les Merveilles
entières. Mais ces incendies sont rares, gé de la science, des feux naturels de Bakou, qui
néralement circonscrits et momentanés. Il brûlent sur la rive orientale de la mer Cas
aurait fallu, d’ailleurs, pouvoir conserver le pienne, en Asie, et que les Guèbres, peuples
feu. Il n’est pas toujours facile de conserver adorateurs du feu, ont entourés d’un temple.
du feu, quand on ne peut pas le reproduire Sur l’un des promontoires de la Troade, les
par un autre, moyen. Les sauvages austra anciens Grecs admiraient les feux de la Chi
liens qui habitaient Port-Jackson et qui mère, qui brûlaient pendant les nuits, « noc-
avaient quelque peine à obtenir du feu par tibus flagrans (1). »Le nouveau monde a son
la friction du bois, le laissaient rarement phare naturel : la lanterne de Maracaïbo,
éteindre. Ils portaient presque partout des décrite par de Humboldt (2).
tisons avec eux, même lorsqu’ils voyageaient Voilà sans doute beaucoup de sources na
dans leurs canots. Nous avons lu, dans une turelles de feu; mais nous ne croyons pas
relation de voyage, que des navigateurs arri que l’homme en ait jamais tiré grand parti,
vant sur la côte d’une petite île de l’Océanie, et dans quelques-uns des cas que nous avons
trouvèrent ses derniers habitants dans un cités, les jets de gaz sortant du sol avaient été
état voisin de l’agonie. Depuis six à huit mois allumés par la main de l’homme lui-même.
ces hommes avaient perdu le feu, et il leur La grande difficulté était moins de se pro
était impossible de le rallumer. curer le feu que de le conserver une fois
La foudre a donc pu provoquer des incen allumé. Or, nous l’avons dit, les peuples
dies sous les yeux de l’homme des premiers sauvages n’ont jamais été bien experts sur ce
âges, sans qu’il ait pu profiter du bienfait sujet.
fortuit que lui envoyait la nature. En résumé, le briquet à pyrite et à silex, et
Les incendies spontanés sont plus fré la friction du bois sec, sont les procédés
quents que ceux allumés par la foudre. Les dont les premiers hommes ont fait usage
matières végétales imprégnées de corps gras pour se procurer du feu.
et exposées à l’air, absorbent l’oxygène avec
assez de rapidité pour s’échauffer peu à Ce briquet à silex, que nous venons de voir
peu et finir par s’embraser. On a vu des ma prendre naissance au berceau même de l’hu
gasins de fourrage prendre feu spontané manité, a traversé l’immense série des âges
ment, par suite de la fermentation de la ma sans beaucoup se modifier. Jusqu’à la fin du
tière végétale. Dans les mines de houille, il dernier siècle, l’antique briquet, composé
se manifeste quelquefois des incendies, par d’un éclat de silex (pierre à fusil), la substance
l’inflammation du menu de houille ; le char même dont l’homme primitif avait tiré un si
bon extrêmement divisé pouvant absorber merveilleux parti, fut conservé comme corps
l'oxygène de l’air avec assez d’activité pour choqué. Seul, le corps choquant fut changé:
prendre feu et le communiquer à la mine. c’était une tige de fer ou d’acier, recourbée
C’est ainsi qu’a pris feu, dansleStaffordshiré, en demi-cercle.
la houillère de Bradley, qui continue de brû Le corps qui devait recevoir l’étincelle et
ler depuis bien des années. s’enflammer à son contact, c’était Eamadou,
Les feux follets, qui se dégagent des cime c’est-à-dire une tranche sèche d’un gros
tières, ont encore pu montrer à l’homme le
(IJ'P/inii Historia naluralis, liber V, caput xvm.
feu provenant d’une origine naturelle. (2) Relation historique. Tome IV, page 254.