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MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                        La foudre tombant sur des matières végé­  Des feux plus durables se sont montrés à
                      tales sèches amoncelées, peut les incendier,   lui dans des sources de gaz fortuitement allu­
                      et, de là, communiquer le feu à des forêts   mées. Nous 'avons parlé, dans les Merveilles
                      entières. Mais ces incendies sont rares, gé­  de la science, des feux naturels de Bakou, qui
                      néralement circonscrits et momentanés. Il   brûlent sur la rive orientale de la mer Cas­
                      aurait fallu, d’ailleurs, pouvoir conserver le   pienne, en Asie, et que les Guèbres, peuples
                      feu. Il n’est pas toujours facile de conserver   adorateurs du feu, ont entourés d’un temple.
                      du feu, quand on ne peut pas le reproduire   Sur l’un des promontoires de la Troade, les
                      par un autre, moyen. Les sauvages austra­  anciens Grecs admiraient les feux de la Chi­
                      liens qui habitaient Port-Jackson et qui   mère, qui brûlaient pendant les nuits, « noc-
                      avaient quelque peine à obtenir du feu par   tibus flagrans (1). »Le nouveau monde a son
                      la friction du bois, le laissaient rarement   phare naturel : la lanterne de Maracaïbo,
                      éteindre. Ils portaient presque partout des   décrite par de Humboldt (2).
                      tisons avec eux, même lorsqu’ils voyageaient   Voilà sans doute beaucoup de sources na­
                      dans leurs canots. Nous avons lu, dans une   turelles de feu; mais nous ne croyons pas
                      relation de voyage, que des navigateurs arri­  que l’homme en ait jamais tiré grand parti,
                      vant sur la côte d’une petite île de l’Océanie,   et dans quelques-uns des cas que nous avons
                      trouvèrent ses derniers habitants dans un   cités, les jets de gaz sortant du sol avaient été
                      état voisin de l’agonie. Depuis six à huit mois   allumés par la main de l’homme lui-même.
                      ces hommes avaient perdu le feu, et il leur   La grande difficulté était moins de se pro­
                      était impossible de le rallumer.          curer le feu que de le conserver une fois
                        La foudre a donc pu provoquer des incen­  allumé. Or, nous l’avons dit, les peuples
                      dies sous les yeux de l’homme des premiers   sauvages n’ont jamais été bien experts sur ce
                      âges, sans qu’il ait pu profiter du bienfait   sujet.
                      fortuit que lui envoyait la nature.         En résumé, le briquet à pyrite et à silex, et
                        Les incendies spontanés sont plus fré­  la friction du bois sec, sont les procédés
                      quents que ceux allumés par la foudre. Les   dont les premiers hommes ont fait usage
                      matières végétales imprégnées de corps gras   pour se procurer du feu.
                      et exposées à l’air, absorbent l’oxygène avec
                      assez de rapidité pour s’échauffer peu à    Ce briquet à silex, que nous venons de voir
                      peu et finir par s’embraser. On a vu des ma­  prendre naissance au berceau même de l’hu­
                     gasins de fourrage prendre feu spontané­   manité, a traversé l’immense série des âges
                      ment, par suite de la fermentation de la ma­  sans beaucoup se modifier. Jusqu’à la fin du
                     tière végétale. Dans les mines de houille, il   dernier siècle, l’antique briquet, composé
                      se manifeste quelquefois des incendies, par   d’un éclat de silex (pierre à fusil), la substance
                      l’inflammation du menu de houille ; le char­  même dont l’homme primitif avait tiré un si
                      bon extrêmement divisé pouvant absorber   merveilleux parti, fut conservé comme corps
                     l'oxygène de l’air avec assez d’activité pour   choqué. Seul, le corps choquant fut changé:
                      prendre feu et le communiquer à la mine.   c’était une tige de fer ou d’acier, recourbée
                      C’est ainsi qu’a pris feu, dansleStaffordshiré,   en demi-cercle.
                     la houillère de Bradley, qui continue de brû­  Le corps qui devait recevoir l’étincelle et
                      ler depuis bien des années.               s’enflammer à son contact, c’était Eamadou,
                        Les feux follets, qui se dégagent des cime­  c’est-à-dire une tranche sèche d’un gros
                     tières, ont encore pu montrer à l’homme le
                                                                 (IJ'P/inii Historia naluralis, liber V, caput xvm.
                      feu provenant d’une origine naturelle.     (2) Relation historique. Tome IV, page 254.
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