Page 550 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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LE PHOSPHORE. 551
tourner rapidement le bout pointu d’un bâton une courroie autour de la baguette de bois,
dans la cavité d’une pièce de bois sec, étendue à puis, tenant dans les mains les deux extrémi
plat sur le sol. Expliquons-nous. Ils prenaient tés de la courroie et les tirant alternativement,
une planchette bien sèche dans laquelle ils ils imprimaient à la broche un mouvement
avaient pratiqué un trou rond ne traversant rapide de rotation, un mouvement de tou
pas la pièce; dans cette cavité ils posaient pie (1). L'archet, avec lequel nos serruriers
le second morceau de bois, qui avait la forme percent le fer, repose sur le même principe.
d’une baguette ronde. Ensuite ils communi Ce procédé, qui a quelque chose de plus
quaient à la baguette un mouvement de ro savant que les deux autres, est aussi plus
tation rapide, en la roulant entre les doigts, expéditif. Dès que le bois brûle, on y jette
comme on s’y prend pour faire mousser le des copeaux bien secs ou de la mousse sèche,
chocolat. Au bout de quelques instants, l’ex et on a de la flamme.
trémité du bâton fixée dans le trou de la Friction à plat au moyen d’une baguette
planchette prenait feu (1). On allumait ainsi dans le trou d’une planchette posée sur le
des broussailles et des feuilles sèches amon sol, — jeu de vilebrequin imprimé à la
celées d’avance près du bâton tournant. baguette courbée par le poids du corps,
Cette manière de produire le feu était — enfin archet à friction, tels sont donc
générale chez les peuples sauvages que nous les trois moyens dont les sauvages mo
avons nommés. Les procédés variaientseule- dernes se servent pour produire le feu.
mentquantàla manière de faire tourner la Comme les sauvages modernes n’ont fait
baguette. que conserver et nous transmettre les usa
Dans les îles de la Polynésie, la baguette ges de l’homme primitif, et que la con
était plus longue et d’un bois flexible. Voici naissance de leurs mœurs et coutumes est ce
comment on opérait, et comment on opère en qui nous a éclairé le plus sur les habitudes
core, dans les îles de l’Océanie et dans la Po et agissements de l’homme antéhistorique,
lynésie. Le sauvage se courbe vers le sol et on ne saurait douter que l’homme primitif
presse la baguette flexible entre le sol et son n’ait produit du feu par la friction de deux
corps, de manière à faire prendre à la ba fragments de bois sec. Il faut donc joindre
guette la forme d’un arc. Appliquant alors la ce deuxième procédé à celui du briquet à
main au centre de l’arc, il fait tourner rapi pyrite ou à oxyde de fer, pour répondre à la
dement la baguette, comme un charpentier question posée plus haut : Comment l’homme
qui fait agir le vilebrequin. a-t-il produit du feu pour la première fois ?
Le naturaliste Banks, qui essaya à l’île On a dit que l’homme a pu connaître le
de Tahiti cette méthode des sauvages, as feu par des phénomènes naturels, qui le
sure qu’il devint bientôt habile dans cette mettaient, pour ainsi dire, sous sa main. Il
opération, et que la difficulté de faire du est certain que des volcans se sont allumés
feu par la friction n’est pas aussi grande I sous les yeux de l’homme antédiluvien et lui
qu’on se l’imagine (2). ont donné l’idée du feu, sur une échelle im
Le dernier moyen et le plus perfectionné posante et terrible. Mais si l’on considère que
était employé par les Indiens du nord de l’A les Gouanches,qui n’avaient jamais fait usage
mérique, notamment par les Esquimaux du du feu, vivaient au pie du volcan du pied de
détroit d’Hudson. Ils enroulaient (fig. 239) Ténériffe, on croira difficilement que les vol
cans aient fourni le premier feu au genre
(1) Voyages de Cook, 21 août 1770. humain.
(2; Wallis, Voyage, juillet 1767. — Cook (Premier
voyage, juillet 1799). (1) H. Ell'S, Voyage to Norlh América, 1747.