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                      voulant montrer au public la bonne qualité   On lit, en effet, dans une lettre adressée
                      de ses produits, essayait de se procurer   à VAmi des sciences du 30 juillet 1858, par
                      du feu avec le briquet oxygéné. Le feu ne   M. L. Poncelet, que Benoît Fumade aurait
                      prenait pas, et Arnal de dire : « C’est la fiole   été l’inventeur du briquet chimique conte­
                      qui n’est pas bonne. » Il recommençait avec   nant du phosphore, c’est-à-dire du briquet
                      un autre briquet : même résultat négatif.   phosphorique.
                       « Ce sont les allumettes qui ne valent rien, »
                      disait-il alors. Et il ajoutait : « Elles sont   « Benoît Fumade, écrit M. L. Poncelet, ne restait
                      toutes comme cela!... Trois francs la dou­  pas inactif, il cherchait toujours à perfectionner
                      zaine ! »                                  son invention. Il jeta les yeux sur le phosphore,
                                                                 dont les propriétés l’avaient frappé, et, dès 1830, il
                        Chaptal, dans son Traité de chimie appli­
                                                                 imagina le briquet phosphorique.
                      quée aux arts, publié en 1807, décrit le    « Les briquets phosphoriques étaient des étuis
                      briquet physique, qui n’est autre que le pré­  en plomb fermés par un bouchon en étain. On
                                                                 les emplissait de phosphore, qu’on faisait fondre au
                      cédent.
                                                                 bain de sable, dans l’étui lui-même. On terminait
                        Le chimiste Parkes proposa, en 1808,     l’emplissage par un petit fragment de soufre. Pour
                      dans son Catéchisme chimique, une prépa­   se servir de ces briquets, il suffisait de plonger dans
                      ration et un procédé analogues à ceux du   l’étui une allumette soufrée, elle entraînait une
                                                                 parcelle de sulfure de phosphore qui s’enflammait
                      briquet oxygéné.
                                                                 au contact de l’air.
                                                                  « Ce fut sa dernière invention. 11 mourut le
                         Un nouveau briquet chimique fit son ap­  26 mars 1834. »
                      parition en France en 1816. Du moins c’est à
                      cette date qu’on le trouve décrit dans le Bul­  La question reste donc indécise entre
                      letin de la Société d'encouragement. Nous   Derosne et Fumade pour l’invention du bri­
                      voulons parler du briquet phosphorique, dans   quet phosphorique.
                      lequel entrait le phosphore seul. Pour con­  Cependant, comme il est question, dans
                      fectionner le briquet chimique ou phospho­  cette lettre, de l’addition d’un fragment de
                      rique, on introduisait du phosphore dans   soufre au phosphore, addition qui n’a ja­
                      une petite bouteille de verre, que l’on fer­  mais été faite, nous croyons que le briquet
                      mait immédiatement. On chauffait douce­   phosphorique, c’est-a-dire contenant unique­
                      ment la bouteille, le phosphore fondait et se   ment du phosphore que l’on enflammait
                      moulait dans la bouteille.                 par la friction sur un corps dur, est bien
                        Quand on voulait se procurer du feu,     dû au pharmacien Derosne.
                      on grattait légèrement, avec une allumette   Le briquet phosphorique est souvent dési­
                      soufrée, la couche de phosphore; on enlevait   gné sous le nom de briquet oxygéné; c’est un
                      ainsi un peu de phosphore au bout de l’al­  tort. On doit l’appeler briquet phosphorique,
                      lumette. Il suffisait de frotter l’allumette   pour le distinguer du briquet oxygéné. L’un
                      portant ce petit fragment de phosphore, sur   ne renferme que du phosphore, et l’allu­
                      un morceau de drap ou sur un vieux gant,   mette est simplement en bois ; l’autre ren­
                      pour obtenir du feu.                       ferme de l’acide sulfurique, et l’alumette est
                        On appella pendant quelque temps ce bri­  enduite d’une pâte de chlorate de potasse,
                      quet phosphorique briquet Derosne. Ce serait   qui s’enflamme quand on la trempe dans l’a­
                      donc le pharmacien Derosne qui en aurait   cide sulfurique du flacon.
                      été l’inventeur. D’autres cependant en attri­
                      buent la paternité à Fumade, le même indus­  La grande inflammabilité du phosphore et
                      triel qui exploitait déjà le briquet oxygéné.  les dangers qui résultaient de la projection
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