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LE PHOSPHORE.                                  559

      lettre, datée du 15 novembre 1858, est ainsi   droit d’atteindre furent annulés par les habiles à se
                                                substituer à ses idées créatrices, soit pour briquets
      conçue :
                                                oxygénés, soit et surtout pour la fabrication du bo­
                                                rax par l’emploi de l’acide borique des lacs de Tos­
                      Briançon, le 15 novembre 1858.
                                                cane, source de fortune colossale pour ceux qui,
           Monsieur,
                                                profitant de son idée et de ses démarches, le mirent
       Les numéros des 15 et 29 août, 12 et 19 septem­  dans l’impuissance de profiter des bonnes intentions
      bre derniers, de votre journal VAmi des sciences,   du gouvernement à son égard et l’évincèrent en le
      nous étant fortuitement et un peu tardivement   devançant dans la location de ses lacs, nous tenons
      tombés sous les yeux, ce n’est qu’aujourd’hui que   à plus forte raison qu’à son nom soit attaché le mé­
      nous sommes appelés à faire connaître la vérité sur   rite qui lui revient, dans la mesure de ses efforts et
      la question de l’invention des allumettes oxygé­  de sa réussite pour le progrès.
      nées, dont il y est parlé.                   Agréez, etc.
       C'est, nous l’espérons, Monsieur, en vous deman­      P. E. et Ms Chancel frères,
      dant l'insertion de la présente lettre dans votre plus   manufacturiers à Briançon (Hautes-Alpes).
      prochain numérote cas de l’intituler, et avec grande
     autorité : La vérité sur l’invention des allumettes oxy­
                                                  Les pièces justificatives sont offertes à
     génées.
       En 1805, notre père, J.-J.-L. Chancel, déjà à Paris   l’appui de cette réclamation de priorité.
     depuis plusieurs années, alternativement élève en   Parmi ces pièces se trouve un acte de vente
     pharmacie, élève aux cours publics de chimie et un   de tout ce qui regardait cette exploitation
     des préparateurs deM. Thénard, fut l’inventeur de
                                               de briquets phosphoriques, qui fut faite par
     ces briquets.
       Tout à la science, il n’en fit pas en effet une opé­  J.-J.-L. Chancel à un certain Primavesi, le
     ration lucrative; c’est une raison de plus, Monsieur,   20 juin 180G.
     pour que nous protestions contre les assertions de
                                                  Le briquet oxygéné fut donc inventé, vers
     M. L. Poincelet, qui, en attribuant cette découverte
     à M. Fumade et y attachant la date de 1819 à 1821,   1805, par l’élève en pharmacie et en chimie,
     est complètement dans l’erreur.           J.-J.-L. Chancel.
       Nous tenons donc essentiellement que justice soit
                                                  Benoît Fumade, industriel qui avait acheté
     faite et que dans l’historique de cette invention, qui
                                               à L. Chancel le secret du briquet oxygéné,
     fut l’origine de toutes celles qui l’ont suivie pour
     arriver à ce que la science et le temps ont amené de   exploita celte découverte. Les briquets oxy­
     plus perfectionné, il soit bien établi que ce fut   génés qui, pendant plus de vingt ans, furent
     J.-J.-L. Chancel de Briançon qui inventa les bri­
     quets oxygénés et qui fut ainsile promoteurde cette   en usage en France, se composaient d’un
     série de découvertes utiles qui en découlèrent.  étui rouge en carton, de forme cylindrique,
       Nous tenons à la disposition de tout contradic­  et à deux compartiments. Dans la partie su­
     teur :                                    périeure étaient les allumettes, et en bas la
       1° Les mémoires de notre père, mort depuis
     viugt et un ans ;                         petite fiole contenant l’amiante et l’acide
       2° Un numéro du Journal du Commerce, 1 jan­  sulfurique qui servait à les enflammer. Ces
     vier 1806;                                étuis rouges portaient en gros caractères, le
       Un numéro du Journal de l’Empire, 7 février
     1806;                                      nom de Fumade.
       Tous deux contenant une insertion, signée de no­  Malheureusement le briquet oxygéné ne
     tre père, pour combattre la contrefaçon qui déjà se
                                               pouvait plus servir au bout de quelques se­
     substituait à lui ;
       3° L’acte de vente de tout ce qui regardait cette   maines, par suite de l’affaiblissement de l’a­
     exploitation de briquets oxygénés, que notre père fit   cide sulfurique. Les allumettes elles-mêmes
     à un certain Primavesi, le 20 juin 1806.
                                                ne devaient jamais être humides, ce qui était
       Il résulte de ces faits et titres et du témoignage
     public de M. Thénard, qui en effet dans ses cours a   difficile à éviter ; enfin il y avait souvent
     toujours proclamé notre père comme le réel inven­  des projections de la pâte enflammée et cou­
     teur de ces allumettes, que M. Fumade n’a fabriqué   verte d’acide sulfurique.
     que quatorze à quinze ans après l’invention, à la­  Dans un vaudeville de cette époque, les Ca­
     quelle il n’a apporté aucun changement appréciable.
       Si les succès financiers que notre père avait le   binets particuliers, Arnal (rôle de Jacquart),
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