Page 325 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
P. 325

INDUSTRIE DE L’EAU.                                323

        car les terrains gypseux qu’elles traversent
        dans leur parcours, viennent les charger de         CHAPITRE XXXII
        ce gypse, ou sulfate de chaux, qui donne
        aUx puits de Paris de si détestables quali­  ÉTÜDE DES SOURCES Dü BASSIN DE LA SEINE PAR M. BEL-
        tés pour les usages économiques. Il était   GRAND. — PROPOSITION FAITE PAR CET INGÉNIEIR DE
                                                   DÉRIVER A PARIS LES EAUX DE SOMME-SOUDE, DE LA
        donc certain d’avance qu’il faudrait se trans­
                                                   DHU1S ET DE LA VANNE. — PREMIER MÉMOIRE DU PRÉ­
        porter fort loin pour trouver le fleuve d’eau   FET DE LA SEINE. — LE CONSEIL MUNICIPAL ADOPTE
        pure nécessaire à l’alimentation de Paris,   LE PROJET PRÉFECTORAL. — DEUXIÈME MÉMOIRE DU
                                                   PRÉFET DE LA SEINE. — NOUVELLE DÉCLARATION DU
        et que dès lors les dépenses pour la construc­
                                                   CONSEIL MUNICIPAL.
        tion de l’aqueduc de dérivation, seraient
        considérables.                              C’est en avril 1854 que le préfet de la
          Ce motif ne parut pas suffisant pour écar­  Seine chargea M. Belgrand, ingénieur en
        ter le projet d’une dérivation lointaine.   chef de la navigation de la Seine et du ser­
        Sans doute, l’exécution d’un immense aque­  vice hydrométrique du bassin de ce fleuve,
        duc et la création de tout un système hy­  de faire une étude des sources qui pouvaient
        draulique nouveau devaient imposer une    être dérivées vers Paris. Suivant le pro­
        lourde charge au budget municipal; mais,   gramme qui était tracé à M. Belgrand, l’eau
        ce grand travail une fois exécuté, Paris se   à dériver devait être limpide et fraîche, et
        trouvait en possession d’un monument du­  d’une pureté au moins égale à celle de la
        rable, qui n’avait rien à redouter de la main   Seine, prise en amont de Paris. Elle devait
        du temps ni de celle des hommes, et qui   arriver dans les réservoirs à une hauteur
        a surait aux générations suivantes le bien­  de 53 mètres au-dessus de la Seine, et
        fait continu d’un régime d’eaux pures et   fournir un volume de 86,000 mètres cubes
        abondantes. L’aqueduc une fois édifié, l’eau   par 24 heures. On ne remettait d’ailleurs à
        arriverait éternellement, par le seul fait de   l’ingénieur en chef aucune indication de
        la pente naturelle du sol, sans imposer   sources, et on lui laissait toute latitude pour
        d’autres soins aux administrateurs de la cité   pousser ses recherches sur toute l’étendue
        que la surveillance et l’entretien d’un mo­  du bassin de la Seine. On lui accordait
        nument de pierre et de fer. Cette imitation   trois ou quatre mois pour faire son travail.
        des constructions hydrauliques des anciens,   M. Belgrand reconnut d’abord que les
        ouvrages admirables qui ont résisté à l’ac­  projets de ses devanciers ne satisfaisaient
        tion des siècles, ce travail préparé tout à la   point aux conditions du programme. La dé­
        fois pour les besoins du présent et ceux de   rivation de l’Eure, proposée sous Louis XIV,
        l’avenir, offrait un caractère de majesté et   celles de l’Yvette et de la Bièvre, qui ont
        de grandeur propre à exercer sur bien des   excité, dans la seconde moitié du dix-hui­
        esprits une séduction puissante.          tième siècle, les vives discussions que nous
          C’est à cet empire secret que dut obéir   avons racontées, n’auraient conduit à Paris
        M. Ilaussmann lorsq’ue, après avoir reconnu   que des eaux de rivière d’une qualité chimi­
        1 insuffisance des eaux de la Seine pour le   quement inférieure à celles de la Seine. Les
        service des eaux publiques de la capitale, il   eaux des sources de la Beuvronne, que l’ins­
        se décida à confier aux ingénieurs l’étude   pecteur général Bruyère voulait dériver vers
        d’un projet de dérivation de sources d’eaux   Paris dans un aqueduc couvert, sont char­
        éloignées de Paris.                       gées de sulfate de chaux et de magnésie. On
                                                  ne pouvait donc donner aucune suite à ces
                                                  anciens projets.
   320   321   322   323   324   325   326   327   328   329   330