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320                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                     solides de toute nature, qui laissaient dans   En parlant du réservoir de la rue Racine,
                     une zone très-étendue les traces visibles   cet honorable médecin disait :
                     de leur passage. Personne n’ignore que,
                     chaque nuit, de fétides ruisseaux, provenant   « L’eau, qui a une profondeur de 4 mètres, tient
                                                                en suspension, par moments, des myriades de par­
                     de la partie liquide des fosses d’aisances sont
                                                                ticules jaunâtres qui lui donnent l’apparence d’une
                     déversés sur la voie publique, pour couler   émulsion épaisse semblable à de la boue. En reti­
                     de là dans la Seine. On sait que les entre­  rant un seau de cette eau, on voit qu’elle est remplie
                                                                d’êtres vivants. »
                     preneurs de vidanges sont autorisés à déver­
                     ser sur la voie publique ces liquides, après   Pour le réservoir du Panthéon :
                     une désinfection préalable, mais qui n’est
                     jamais complète, comme chacun a pu s’en     « L’eau, écrivait!!. Bouchut, tient souvent en sus­
                                                               pension une innombrable quantité d’êtres vivants
                     convaincre. Cette horrible liqueur va se
                                                               qu’on prend, à la cuillère, comme dans un potage. 11 s’y
                     perdre dans la Seine parles ruisseaux et les   développe quelquefois des poissons dont les germes
                     égouts. Ce sont les eaux d’un fleuve ainsi   ont dû traverser les corps de pompes delà machine
                     contaminées par toutes sortes d’immondices   de Chaillot, pour remonter dans les bassins. On y a
                                                               trouvé un poisson qui pesait plus d'une demi-livre, et
                     qui étaient distribuées par la pompe de
                                                               qui a été remis à l’ingénieur. »
                     Chaillot à une partie des Parisiens, par la
                     pompe de Saint-Ouen aux habitants de        A propos du réservoir Popincourt, M. Bou­
                     Montmartre et de Batignolles. Nous le de­  chut avait fait des observations analogues,
                     mandons, un tel système était-il digne de    11 faut ajouter que le volume d’eau po­
                     la capitale des arts et du monde civilisé ?   table distribué dans Paris en 1860 était in­
                     Qu’un tel système eût été adopté ou maintenu   férieur à ce qui existait dans plusieurs
                     il y a un demi-siècle, lorsque Paris comptait   grandes villes d’Europe. En effet, la quan­
                     au plus cinq cent mille habitants, cela pou­  tité d’eau distribuée à chaque habitant de
                     vait se comprendre. Mais avec une popula­  Paris, déduction faite des services publics,
                     tion qui avait triplé en nombre comme en   n’était alors que de 35 litres par habitant,
                     activité, on ne pouvait le considérer que   tandis que les hydrauliciens modernes s’ac­
                     comme un regrettable vestige des imper­   cordent à réclamer une part de 60 à 70 li­
                     fections d’une époque disparue.           tres d’eau potable, chaque vingt-quatre
                       L’impureté des eaux de la Seine distri­  heures, pour chaque habitant d’une grande
                     buées à Paris pour la consommation pu­    ville.
                     blique fut établie directement en 1860, par   On trouve, dans le Rapport de la commis­
                     l’examen de l’état de ces eaux dans les di­  sion d'enquête du département de la Seine,
                     vers réservoirs existant dans plusieurs quar­  le tableau suivant du nombre de litres qui
                     tiers delà capitale. M. le docteur Bouchut,   étaient distribués en 1860 par jour et par
                     agrégé à la Faculté de médecine, médecin   habitant, dans les principales villes de
                     de l’hôpital de Sainte-Eugénie, rédigea, sur   France, d’Europe ou d’Amérique :
                     cette question, un mémoire que Cosle
                                                                           Villes.            Litres par jour
                     communiqua à l’Académie des sciences, au                                et par habitant.
                                                                   Rome moderne...........................  944
                     nom de l’auteur, dans la séance du 17 juin
                                                                   New-York....................................  568
                     1860. M. Bouchut avait examiné l’eau des      Carcassonne................................  400
                     réservoirs de la rue Racine, du Panthéon,     Besançon.....................................  246
                     de la rue Saint-Victor, de la rue de Vaugi-   Dijon...........................................  240
                                                                   Marseille......... ............................  186
                     rard, de Passy, de la barrière Monceau et du
                                                                   Bordeaux.....................................  170
                     quartier Popincourt.                          Gènes...........................................  120
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