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INDUSTRIE DE L’EAU.                                319

       fut laborieusement cherché par les ingé- ■  encore à tous les étages de chaque maison,
       nieurs de la ville de Paris, et finalement   quelle que soit son altitude. Il faut qu’elle
       réalisé, après bien des difficultés, et malgré   soit d’une irréprochable pureté; qu’elle
       des oppositions de toute nature. Le projet   n’ait besoin d’être soumise à aucune filtra­
       de doter Paris d’une distribution abondante   tion, et puisse être consommée telle qu’elle
       d’excellentes eaux, projet essentiellement   sort des conduites publiques, afin d’affran­
       philanthropique, qui aurait du être accueilli   chir la population de l’impôt du porteur
       avec reconnaissance par la population pari­  d’eau, c'est-à-dire du marchand d’eau filtrée.
       sienne, rencontra mille obstacles, par suite   Il faut que cette'eau ne participe point de
       de l’opposition qui lui était faite dans les   la température extérieure; qu’elle porte
       journaux. La campagne contre les projets   la fraîcheur en été, en hiver une tempéra­
       de l’administration municipale était menée   ture agréable. Toutes ces conditions man­
       par divers publicistes, particulièrement par   quaient évidemment au système de distri­
       le rédacteur en chef de la Patrie, M. De-   bution d’eaux publiques de la capitale, qui
       laniarre, on ne voit pas trop pour quelle rai­  se faisait, comme nous l’avons établi plus
       son, si ce n’est parce besoin d’opposition poli­  haut, au moyen des eaux du canal de l’Ourcq
       tique jalouse qui s’obstinait, sous le second   pour les deux tiers, et des eaux de la Seine
       Empire, à combattre les mesures les plus   pour le reste. Or, l’eau de l’Ourcq est inces­
       utiles au bien général, par cela seul qu’elles   samment salie par une population de quinze
       émanaient de l’administration ou de l’État.  cents mariniers et de cinq cents bateaux
         Les premières études relatives au nouveau   qui vivent sur ce canal, dont on a eu la
       système de distribution d’eaux potables que   fâcheuse idée de faire à la fois une voie de
       nous avons à exposer, remontent à l’an­   navigation et une conduite d’eau potable ;
       née 1854. Au moment où l’on se préparait   et quant à l’eau de Seine, elle est d’une
       à exécuter dans les grandes voies de la ca­  impureté bien plus grande encore que celle
       pitale cette transformation merveilleuse   du canal de l’Ourcq. Nous avons déjà mis
       dont nous admirons aujourd’hui les résul­  ce fait en évidence dans le cours de cette
       tats, la question des eaux ne pouvait être   Notice, mais il convient maintenant d’ap­
       oubliée. Le service des eaux de Paris pré­  peler plus spécialement sur ce sujet l’atten­
       sentait, en effet, pour le service privé et   tion du lecteur.
       pour les eaux potables, de telles imperfec­  Dès l’année 1860, la Seine était le ré­
       tions, il était si fort au-dessous de ce qui   ceptacle des déjections et des résidus
       existait dans plusieurs villes de l’Europe,   d’une population, en partie industrielle,
       que l’administration municipale de Paris   de dix-sept cent mille habitants. Si l’on se
       devait tenir à honneur d’inaugurer sur    transportait sur le pont des Arts, un jour
       ce point un système nouveau, et de doter   d’été, quand le niveau du fleuve avait baissé
       la capitale de la France d’une distribution   sensiblement, on voyait l’égout qui se dé­
       d’eaux en rapport avec les progrès de la   gorge près du pont des Saints-Pères, vomir
       science et les besoins de la population.   les eaux d’une rivière immonde. Si l’on
        Dans une ville comme Paris, il faut pouvoir   descendait sur la berge au bas du pont
       distribuer des quantités d’eau, non-seule­  d’Asnières, au point de dégorgement du
        ment suffisantes, mais même supérieures   grand égout collecteur de la rive droite, on
       aux besoins de chaque habitant. Il faut que   voyait se précipiter dans le fleuve un volume
       cette eau puisse être conduite, à bas prix,   plus considérable encore de ces mêmes eaux
        non-seulement dans chaque maison, mais   noires, bourbeuses, chargées d’immondices
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