Page 321 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
P. 321
INDUSTRIE DE L’EAU. 319
fut laborieusement cherché par les ingé- ■ encore à tous les étages de chaque maison,
nieurs de la ville de Paris, et finalement quelle que soit son altitude. Il faut qu’elle
réalisé, après bien des difficultés, et malgré soit d’une irréprochable pureté; qu’elle
des oppositions de toute nature. Le projet n’ait besoin d’être soumise à aucune filtra
de doter Paris d’une distribution abondante tion, et puisse être consommée telle qu’elle
d’excellentes eaux, projet essentiellement sort des conduites publiques, afin d’affran
philanthropique, qui aurait du être accueilli chir la population de l’impôt du porteur
avec reconnaissance par la population pari d’eau, c'est-à-dire du marchand d’eau filtrée.
sienne, rencontra mille obstacles, par suite Il faut que cette'eau ne participe point de
de l’opposition qui lui était faite dans les la température extérieure; qu’elle porte
journaux. La campagne contre les projets la fraîcheur en été, en hiver une tempéra
de l’administration municipale était menée ture agréable. Toutes ces conditions man
par divers publicistes, particulièrement par quaient évidemment au système de distri
le rédacteur en chef de la Patrie, M. De- bution d’eaux publiques de la capitale, qui
laniarre, on ne voit pas trop pour quelle rai se faisait, comme nous l’avons établi plus
son, si ce n’est parce besoin d’opposition poli haut, au moyen des eaux du canal de l’Ourcq
tique jalouse qui s’obstinait, sous le second pour les deux tiers, et des eaux de la Seine
Empire, à combattre les mesures les plus pour le reste. Or, l’eau de l’Ourcq est inces
utiles au bien général, par cela seul qu’elles samment salie par une population de quinze
émanaient de l’administration ou de l’État. cents mariniers et de cinq cents bateaux
Les premières études relatives au nouveau qui vivent sur ce canal, dont on a eu la
système de distribution d’eaux potables que fâcheuse idée de faire à la fois une voie de
nous avons à exposer, remontent à l’an navigation et une conduite d’eau potable ;
née 1854. Au moment où l’on se préparait et quant à l’eau de Seine, elle est d’une
à exécuter dans les grandes voies de la ca impureté bien plus grande encore que celle
pitale cette transformation merveilleuse du canal de l’Ourcq. Nous avons déjà mis
dont nous admirons aujourd’hui les résul ce fait en évidence dans le cours de cette
tats, la question des eaux ne pouvait être Notice, mais il convient maintenant d’ap
oubliée. Le service des eaux de Paris pré peler plus spécialement sur ce sujet l’atten
sentait, en effet, pour le service privé et tion du lecteur.
pour les eaux potables, de telles imperfec Dès l’année 1860, la Seine était le ré
tions, il était si fort au-dessous de ce qui ceptacle des déjections et des résidus
existait dans plusieurs villes de l’Europe, d’une population, en partie industrielle,
que l’administration municipale de Paris de dix-sept cent mille habitants. Si l’on se
devait tenir à honneur d’inaugurer sur transportait sur le pont des Arts, un jour
ce point un système nouveau, et de doter d’été, quand le niveau du fleuve avait baissé
la capitale de la France d’une distribution sensiblement, on voyait l’égout qui se dé
d’eaux en rapport avec les progrès de la gorge près du pont des Saints-Pères, vomir
science et les besoins de la population. les eaux d’une rivière immonde. Si l’on
Dans une ville comme Paris, il faut pouvoir descendait sur la berge au bas du pont
distribuer des quantités d’eau, non-seule d’Asnières, au point de dégorgement du
ment suffisantes, mais même supérieures grand égout collecteur de la rive droite, on
aux besoins de chaque habitant. Il faut que voyait se précipiter dans le fleuve un volume
cette eau puisse être conduite, à bas prix, plus considérable encore de ces mêmes eaux
non-seulement dans chaque maison, mais noires, bourbeuses, chargées d’immondices