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                     dissolvant le sulfate de chaux de l’argile   pour les eaux de la Seine dans leur état d’ir­
                     plastique, devinssent séléniteuses.       rémédiable altération que chacun connaît.
                       Ces prévisions de la géologie furent con­  Les mêmes études prouvèrent que les
                     firmées par le résultat des recherches et des   eaux de la Seine ne pourraient être rafraî­
                     études des ingénieurs. M. Delesse, ingénieur   chies en été, ni réchauffées en hiver dans
                     des mines, a démontré que tous les puits de   les réservoirs ; en un mot, qu’elles ne pour­
                     la plaine d’Ivry, même les plus rapprochés   raient jamais être livrées sans préparation
                     du fleuve, ne donnent que des eaux dures   aux conduites publiques. Quels que fussent
                     et chargées de sulfate de chaux. Les tran­  les avantages, naturels, pour ainsi dire, que
                     chées qu’il a fallu ouvrir à Paris pour la   présente la Seine pour l’alimentation de
                     construction du canal Saint-Martin et de   Paris, on ne pouvait donc compter sur ses
                     l’égout collecteur des coteaux de la rive   eaux pour les distribuer, soit parles machi­
                     droite, ont pénétré profondément dans la   nés à vapeur, soit par des ouvrages hydrau­
                     nappe d’eau des puits des alluvions de la   liques sagement combinés. On pouvait, il
                     Seine. On a reconnu que cette nappe était   est vrai, établir la prise d’eau très en amont
                     très-abondante, et, quoiqu’on se soit tenu   de Paris, à Port-à-l’Anglais, par exemple,
                     partout à plus de 2 mètres au-dessus des   mais il aurait fallu de puissantes machines
                     eaux du fleuve, il a fallu de nombreuses   à vapeur pour refouler l’eau de la Seine, par
                     machines à vapeur pour l’épuiser. Les eaux   des conduites très-longues et très-dispen­
                     extraites étaient dures et impotables. De   dieuses, jusqu’à la hauteur de 64 mètres en
                     plus, le sable à travers lequel elles s’écou­  moyenne, nécessitée par les exigences du
                     laient était tellement fin et fluide, que la   nouveau service. D'ailleurs, une eau de ri­
                     tranchée se remplissait au fur et à mesure   vière, froide en hiver, chaude en été, et qui
                     qu’on la creusait, lorsque l’épuisement ne   a besoin d’être soumise à la filtration, ne
                     faisait pas convenablement baisser la nappe   doit être livrée comme eau potable aux ha­
                     d’eau. N’est-il pas probable, d’après cela,   bitants d’une grande ville qu’en présence
                     que les filtres naturels que l’on aurait creu­  d’une nécessité absolue.
                     sés dans la plaine d’Ivry, se seraient remplis   Ainsi, l’alimentation de Paris en eau
                     de même tout à la fois de sable et d’eau ?  potable était un problème hérissé de diffi­
                       M. Ad. Mille, ingénieur en chef des Ponts   cultés. La Seine ne pouvant suffire à four­
                     et Chaussées, entreprit, en 1854, des re­  nir des eaux suffisamment pures, abon­
                     cherches dans la plaine d’Ivry pour savoir   dantes et exemptes des vicissitudes de la
                     si le filtrage des eaux de la Seine à tra­  température extérieure, il fallait sortir des
                     vers ses alluvions, pouvait donner des     voies battues. Imitant l’exemple des an­
                     résultats pratiques : il reconnut que le fil­  ciens, si heureusement suivi par les mo­
                     trage au travers de ces terrains ne fournirait   dernes en plusieurs circonstances, il fallait
                     que des eaux dures et séléniteuses.        chercher loin de Paris ce que Paris ne pou­
                        D’ailleurs, une filtration, même parfaite,   vait offrir, c’est-à-dire aller emprunter à
                     ne remédierait pas à tout. Après leur filtra­  quelques régions plus ou moins éloignées,
                     tion, les eaux de la Seine retiendraient en­  des sources d’une pureté et d’une abondance
                     core beaucoup de substances organiques,    suffisantes, et les amener dans la capitale au
                     qui résistent à l’action du filtre, parce   moyen d’un aqueduc.
                     qu’elles ne sont pas simplement suspendues   Malheureusement, par suite de la nature
                      dans l’eau, mais bien dissoutes. 11 ne saurait   du sol qui environne Paris, les sources d'eau
                     exister de système de purification complète   parfaitement pure sont extrêmement rares,
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