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322 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
dissolvant le sulfate de chaux de l’argile pour les eaux de la Seine dans leur état d’ir
plastique, devinssent séléniteuses. rémédiable altération que chacun connaît.
Ces prévisions de la géologie furent con Les mêmes études prouvèrent que les
firmées par le résultat des recherches et des eaux de la Seine ne pourraient être rafraî
études des ingénieurs. M. Delesse, ingénieur chies en été, ni réchauffées en hiver dans
des mines, a démontré que tous les puits de les réservoirs ; en un mot, qu’elles ne pour
la plaine d’Ivry, même les plus rapprochés raient jamais être livrées sans préparation
du fleuve, ne donnent que des eaux dures aux conduites publiques. Quels que fussent
et chargées de sulfate de chaux. Les tran les avantages, naturels, pour ainsi dire, que
chées qu’il a fallu ouvrir à Paris pour la présente la Seine pour l’alimentation de
construction du canal Saint-Martin et de Paris, on ne pouvait donc compter sur ses
l’égout collecteur des coteaux de la rive eaux pour les distribuer, soit parles machi
droite, ont pénétré profondément dans la nés à vapeur, soit par des ouvrages hydrau
nappe d’eau des puits des alluvions de la liques sagement combinés. On pouvait, il
Seine. On a reconnu que cette nappe était est vrai, établir la prise d’eau très en amont
très-abondante, et, quoiqu’on se soit tenu de Paris, à Port-à-l’Anglais, par exemple,
partout à plus de 2 mètres au-dessus des mais il aurait fallu de puissantes machines
eaux du fleuve, il a fallu de nombreuses à vapeur pour refouler l’eau de la Seine, par
machines à vapeur pour l’épuiser. Les eaux des conduites très-longues et très-dispen
extraites étaient dures et impotables. De dieuses, jusqu’à la hauteur de 64 mètres en
plus, le sable à travers lequel elles s’écou moyenne, nécessitée par les exigences du
laient était tellement fin et fluide, que la nouveau service. D'ailleurs, une eau de ri
tranchée se remplissait au fur et à mesure vière, froide en hiver, chaude en été, et qui
qu’on la creusait, lorsque l’épuisement ne a besoin d’être soumise à la filtration, ne
faisait pas convenablement baisser la nappe doit être livrée comme eau potable aux ha
d’eau. N’est-il pas probable, d’après cela, bitants d’une grande ville qu’en présence
que les filtres naturels que l’on aurait creu d’une nécessité absolue.
sés dans la plaine d’Ivry, se seraient remplis Ainsi, l’alimentation de Paris en eau
de même tout à la fois de sable et d’eau ? potable était un problème hérissé de diffi
M. Ad. Mille, ingénieur en chef des Ponts cultés. La Seine ne pouvant suffire à four
et Chaussées, entreprit, en 1854, des re nir des eaux suffisamment pures, abon
cherches dans la plaine d’Ivry pour savoir dantes et exemptes des vicissitudes de la
si le filtrage des eaux de la Seine à tra température extérieure, il fallait sortir des
vers ses alluvions, pouvait donner des voies battues. Imitant l’exemple des an
résultats pratiques : il reconnut que le fil ciens, si heureusement suivi par les mo
trage au travers de ces terrains ne fournirait dernes en plusieurs circonstances, il fallait
que des eaux dures et séléniteuses. chercher loin de Paris ce que Paris ne pou
D’ailleurs, une filtration, même parfaite, vait offrir, c’est-à-dire aller emprunter à
ne remédierait pas à tout. Après leur filtra quelques régions plus ou moins éloignées,
tion, les eaux de la Seine retiendraient en des sources d’une pureté et d’une abondance
core beaucoup de substances organiques, suffisantes, et les amener dans la capitale au
qui résistent à l’action du filtre, parce moyen d’un aqueduc.
qu’elles ne sont pas simplement suspendues Malheureusement, par suite de la nature
dans l’eau, mais bien dissoutes. 11 ne saurait du sol qui environne Paris, les sources d'eau
exister de système de purification complète parfaitement pure sont extrêmement rares,