Page 68 - Les fables de Lafontaine
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64         LES FABLES DE LA FONTAINE

          L’auteur, ayant terminé son récit, semble prendre plaisir à pro­
          longer la conversation avec le lecteur. C’est le cas, par exemple,
          du délicieux épilogue de VII, 9, où La Fontaine expose avec une
          naïveté charmante, comment il lui arrive, à lui-même, de jouer
          au naturel le personnage de Perrette. Au contraire, l’épilogue
          de VIII, 1, est une méditation morale sur la mort d’un tour sérieux
          et même oratoire. Épilogue d’un ton pénétré de sentiment sur
          l’amitié, à la fin de VIII, 11. Même ton sentimental dans l’exhor­
          tation aux amants qui termine IX, 2. L’épilogue sur la solitude
          de XI, 4, est un véritable poème qui fait penser aux méditations
          romantiques.
            Il faut ajouter, pour ne pas être trop incomplet dans ce rapide
          exposé sur la composition, que la fable prend, sous la main ma­
          gique de La Fontaine, toutes les formes imaginables : tableau
          (IV, 21, etc.) ; portrait (III, 14, etc.) ; comédie (III, 5, etc.) ;
          drame (III, 6, etc.) ; épigramme (III, 10) ; discours (A Mme de
          La Sablière, etc.); épopée (VII, 1, etc.); satire (III, 16, etc.);
          chapitre d’histoire (III, 12, etc.) ; allégorie (VI, 20, etc.) ; élégie
          (III, 15) ; fable réaliste (IV, 4, etc.) ; fable héroï-comique (I, 18, etc.).
          Nous signalons cette diversité de formes en tête de chaque fable.

            27.  VERSIFICATION. — Nous nous bornerons, ici, à signaler
          les particularités de versification qui peuvent embarrasser un
          lecteur moderne. Pour le reste, l’étude des fables même révélera
          mieux qu’aucune considération générale les qualités de versifi­
          cation de La Fontaine, notamment dans l’emploi du vers libre,
          dont il est le maître.
            à) Rythme. La Fontaine combine, en général, les différents
          vers avec discrétion : alexandrins et octosyllabes (c’est la combi­
          naison la plus fréquente), avec parfois un décasyllabe intercalé
          de loin en loin. L’emploi des vers de 6 et de 7 syllabes est plus
          rare. Enfin, il lui arrive, tout à fait exceptionnellement, de faire
          des effets de rythme surprenant, comme le suivant :
                Deux belettes à peine auraient passé de front
                       Sur ce pont. (XII, 4, 16.)
            b) L’enjambement qui prolonge le vers précédent sur le vers
          suivant, rompt la monotonie de la versification et rapproche le
          vers de la prose. La Fontaine en use beaucoup, à des fins de
          rythme souvent subtils.
                Attaché ? dit le Loup. Vous ne courez donc pas
                       Où vous voulez ? (I, 5, 36-37.)
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