Page 63 - Les fables de Lafontaine
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INTRODUCTION                  59
         Parfois, La Fontaine prend, pour lui-même, le ton de l’éloquence
        et développe sa pensée dans une ample période chargée d’images,
        de périphrases ou d’autres figures, bien rythmée. C’est le cas de
        la période qui sert d’entrée en matière à VII, i (v. i à 6), avec une
        grande majesté, en rapport avec la fable, qui a quelque chose
        d’épique.
         On trouvera le plus remarquable exemple d’éloquence dans
        la harangue du Paysan du Danube (XI, 7), qui est un chef-d’œuvre
        de mouvement oratoire et d’argumentation.

         26.  LA COMPOSITION DANS LES FABLES. — Pour
        apprécier la virtuosité de La Fontaine dans la composition, il
        n’est que d’étudier les fables. Voici quelques remarques générales :
         a)  Prologue. La Fontaine met parfois, en tête de ses fables,
        un véritable prologue, qui, souvent, peut s’en détacher. Ce pro­
        logue est, alors, comme un petit discours préliminaire, ou, mieux,
        une causerie préalable avec le lecteur, sur un ton de familiarité
        presque intime. Tel est le prologue de VI, 21, la Jeune Veuve.
         Ailleurs, le prologue forme comme un tableau préparatoire
        au récit. Telle est la description oratoire de la peste, dans VII, 1
        (1 à 14), la description satirique de l’ermitage, dans VII, 3 (1 à 12).
         b)  L’entrée en matière est d’une extrême variété de mouve­
        ment. En voici quelques formes typiques :
          Entrée en matière directe. Quelques mots suffisent à poser les
        personnages en situation, avec une extrême simplicité :
                 Le Chêne, un jour, dit au Roseau... (I, 22.)
              Deux mulets cheminaient, l’un d’avoine chargé,
                 L’autre portant l’argent de la gabelle. (I, 4.)
                 Un homme vit une couleuvre.
             , « Ah ! méchante, dit-il... » (X, 1.)
              Le Buisson, le Canard et la Chauve-Souris
                 Voyant tous trois qu’en leur pays
                 Ils faisaient petite fortune,
              Vont trafiquer au loin et font bourse commune. (XII, 7.)
          On ne saurait dire les choses plus simplement ni en moins
        de mots.
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