Page 64 - Les fables de Lafontaine
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6o LES FABLES DE LA FONTAINE
Entrée en matière exclamative. La Fontaine nous jette en pleine
action, sans préambule, et la fable commence par un cri :
Va-t'en, chétif insecte, excrément de la terre ! (Il, 9.)
Quoi ! toujours il me manquera
Quelqu’un de ce peuple imbécile ! (IX, 18.)
. O Jupiter ! qui sus, de ton cerveau,
Par un secret d’accouchement nouveau,
Tirer Pallas, jadis mon ennemie,
Entends ma plainte î (X, 6.)
Qu'ai-je fait, pour me voir ainsi
Mutilé par mon propre maître ? (X, 8.)
Entrée en matière psychologique. Ailleurs, au contraire, il prend
le temps d’exposer posément le caractère de son héros et c’est
presque un petit prologue :
Une Tortue était, à la tête légère,
Qui, lasse de son trou, voulut voir du pays.
Volontiers on fait cas d’une terre étrangère;
Volontiers gens boiteux haïssent le logis. (X, 2.)
Entrée en matière descriptive. Ici, l’auteur plante son décor et
campe ses personnages avant d’entrer en action :
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché... (I, 2.)
Même procédé dans II, 2 et dans III, 6. Le chef-d’œuvre du
genre est sans doute dans VII, 4, où le portrait du Héron est
campé à la perfection, en relief sur le paysage. Dans IX, 16, les
portraits de Raton et de Bertrand s’étendent sur huit vers ; les
cinq premiers vers de XII, 11, présentent, en un contraste plai
sant, les deux personnages sur un fond de nature :
L’Aigle, reine des airs, avec Margot la pie,
Différentes d’humeur, de langage et d’esprit
Et d’habit
Traversaient un bout de prairie.
Le hasard les assemble en un coin détourné.
Entrée en matière antithétique. La Fontaine oppose les portraits
des deux antagonistes, en soulignant le trait antithétique :
Un Loup n'avait que la peau et les os,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde. (I, 5.)