Page 57 - Les fables de Lafontaine
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INTRODUCTION                  53

           ne réveillait plus, et cette périphrase caractérise moins le financier
           que le savetier. Les grenouilles plaidant pour leur liberté sont
           « les citoyennes des étangs ». (VII, 12, 9.)
            La périphrase-définition consiste à définir un objet, souvent très
           courant, pour finir en disant son nom : Par devant les lares du
           Maître, au pied d’un tribunal que nous nommons foyer. (VIII, 21,
           7-8.) Ce genre de périphrase ressortit à l’héroï-comique, qui
           exprime sur un ton relevé des choses vulgaires. En voici un autre
           exemple, dont La Fontaine a été si contant qu’il l’a répété deux
           fois. (VIII, 10, 46-47 et XII, 13, 4-5) :
                          Ce parasite ailé
                       Que nous avons mouche appelé.
            La périphrase étymologique remplace le nom par son explication
           étymologique : Les mortels qui nous sont opposés sont les antipodes.
            La périphrase-euphémisme remplace un terme déplaisant par une
           explication plus ou moins imagée : Partir pour l’autre monde, faire
           le voyage, aller voir ses aïeux, aller où sont nos pères, etc., c’est
           mourir. Peupler l’air que respirent les ombres (VII, 7, 22), c’est
           massacrer. De même : mettre dans la sépulture (II, 2, 4).
             La périphrase pathétique désigne l’objet par un trait qui excite
           l’émotion. C’est ainsi que les aliments deviennent « le soutien
           d’une mourante vie », dans VII, 1, 9, et que la chasse est « le plaisir
           barbare des hommes », dans XII, 15, 64.
             Périphrases mythologiques. Elles peuvent voisiner avec le style
           héroï-comique, comme la suivante qui désigne les poules : Plus
           d’une Hélène au beau plumage. Dans VI, 18, 1, « le phaéton d’une
           voiture à foin » avoisine la métonymie, et l’ironie est évidente.
           De même : Certaines Philis qui gardent les dindons (VII, 2, 25)
           sont les servantes de ferme et le nom idyllique ne fait que souligner
           la grossièreté de leurs fonctions. « Le dieu dont l’aile est légère
           et dont la langue a des douceurs », est Mercure, mais la périphrase
           est savante et devient un langage pour initiés.
             La périphrase homérique est purement et simplement traduite
           d’Homère ; elle donne une noblesse teintée souvent d’ironie.
             La périphrase allégorique est une périphrase pittoresque dont
           tous les détails ont une valeur symbolique ; c’est ainsi que l’avarice
           devient la « Fureur d’accumuler, monstre de qui les yeux regardent
           comme un point tous les bienfaits des dieux », au début de VIII, 27.
             La périphrase morale décrit l’objet par le trait qui en exprime la
           valeur morale : Un bien sans qui les autres ne sont rien (IV, 13,
           32-33) est la liberté, et cette périphrase exprime l’idée directrice
           de la fable qu’elle conclut.
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