Page 52 - Les fables de Lafontaine
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48 LES FABLES DE LA FONTAINE
Cette inversion, admirablement pittoresque, peint l’arrivée rapi
dement progressive de la tempête. Autre inversion pittoresque :
Maître Corbeau sur un arbre perché... (I, 2, 1.)
Le rejet du participe en fin de phrase, à la rime, détache le
Corbeau dans le vide du ciel.
Le long d’un clair ruisseau buvait une colombe. (Il, 12, 2.)
Ici, la phrase est tout juste à l’envers, mais elle suit l’ordre
pittoresque : décor, action, personnage. Même procédé dans
l’exemple suivant :
Sur la branche d’un arbre était en sentinelle
Un vieux Coq adroit et matois. (II, 15, 1-2.)
Cette inversion a de plus l’avantage de mettre en valeur le trait
caractéristique exprimé par les deux adjectifs. C’est le contraire
qui a lieu dans l’exemple suivant, le trait pittoresque étant mis
en valeur, après le trait caractéristique, par l’inversion :
Du rapport d’un troupeau dont il vivait sans soins
Se contenta longtemps un voisin d’Amphitrite. (IV, 2, 1-2.)
Voici une inversion pittoresque qui met admirablement en valeur
le trait caractéristique ; elle est, d’ailleurs, renforcée par la répé
tition du mot long :
Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où
Le héron au long bec emmanché d’un long cou. (VII, 4, 1-2.)
Toutes les inversions qui précèdent sont pittoresques. L’inver
sion suivante a surtout une valeur expressive des sentiments de
l’avare :
Il avait/dans la terre une somme enfouie. (IV, 20, 12.)
Voici une inversion pathétique, destinée à inspirer au lecteur
de la sympathie pour les deux héroïnes :
(La Vieille) courait droit au lit
Où, de tout leur pouvoir, de tout leur appétit
Dormaient les deux pauvres servantes. (V, 6, 14-16.)
Autre inversion destinée à faire apparaître le trait caractéristique
du personnage et la terreur qu’il inspire :
A ces mots, sort de l’antre, un Lion grand et fort. (II, 1, 22.)
Voici une inversion exclamative :
Peu de prudence eurent les pauvres gens I (VII, 7, 39.)