Page 50 - Les fables de Lafontaine
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46         LES FABLES DE LA FONTAINE

          L’harmonie très douce de ces deux vers suggère une idée de
        calme et d’innocence. Au contraire, dans l’exemple suivant :
              Le quadrupède écume et son œil étincelle ;
              Il rugit. On se cache, on tremble à l’environ. (II, 9, 15-16.)
        l’harmonie tumultueuse suggère l’agitation et la peur.
          L’exemple suivant est très significatif :
                    Notre souffleur à gage
              Se gorge de vapeurs, s’enfle comme un ballon,
                    Fait un vacarme de démon,
              Siffle, souffle, tempête, et brise en son passage
              Maint toit qui n’en peut mais, fait périr maint bateau.
                                              (VI, 3, 22-26.)
          Le tumulte des sonorités peint les agitations furieuses de Borée
        et les désastres qu’il sème sur son passage. Voici un vers dont
        l’harmonie fait un chef-d’œuvre de délicieux pittoresque, en
        dépit de son extrême simplicité :
           L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours. (VII, 4, 4.)
         Tout le début de le Coche et la Mouche (VII, 8, 1-10), est une
        merveille d’harmonie contrastée, les cinq premiers vers exprimant
        l’effort de l’attelage, les cinq suivants peignant le vol tourbillonnant
        de la Mouche. De même, le début de la fable qui suit (VII, 9),
        surtout les vers 1-6, fait sentir, par son rythme, ses sonorités, la
        démarche allègre de Perrette.
         Le contraire de l’harmonie est la cacophonie, faute extrêmement
        rare chez La Fontaine.
         t) L’harmonie imitative est une figure qui fait entendre, par
        les sonorités des mots, le bruit des objets dépeints :
           Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. (I, 2, 12.)
         Ces derniers mots font entendre la chute du fromage dans les
        feuillages, s’achevant sur l’écrasement au sol, exprimé par le mot
        proie. Le vers suivant fait entendre le rugissement du lion :
              Nous sommes quatre à partager la proie. (I, 6, 8.)
         Voici maintenant le bruit des dents du rat qui ronge :
              Notre ermite nouveau subsistait là-dedans;
              Il fit tant, de pieds et de dents... (VII, 3, 7-8.)
          Dans VII, 8, 25, les deux derniers monosyllabes font entendre
        le dernier ahan de l’attelage :
              Après bien des efforts, le coche arrive au haut.
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