Page 55 - Les fables de Lafontaine
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INTRODUCTION 51
24. LE STYLE DE LA FONTAINE {suite). — a) La
litote. Cette figure consiste à exprimer faiblement, sous une
forme généralement négative, une idée très forte :
La nation des Belettes
Ne veut aucun bien aux Rats. (IV, 6, 1-3.) f
pour : veut tout le mal possible. La litote est, ici, une forme atté
nuée de l’ironie. Même nuance, plus marquée encore, dans
l’exemple suivant :
On ne le paya pas en argent cette fois. (XII, 22, 10.)
pour : on le paya en coups de bâtons.
b) La métonymie consiste à employer, au lieu du mot propre,
un autre mot qui suggère le premier, mais en y ajoutant une nuance
poétique. La métonymie est, en effet, la figure poétique par excel
lence :
Vouloir tromper le Ciel est folie à la Terre. (IV, 19, 1.)
Le Ciel est pour : Dieu ; la Terre, pour : les hommes. Mais l’expres
sion a, ainsi, beaucoup plus de majesté.
Le luxe et la folie enflèrent son trésor. (VII, 13, 11.)
pour : les objets achetés avec de folles dépenses par les amateurs
de luxe. Cette métonymie voisine avec l’allégorie.
c) La parenthèse est une digression très courte, une sorte
d’aparté de l’auteur. Elle donne au style le ton de la conversation.
La Fontaine en use beaucoup. En voici un exemple :
Pour l’accourcir, ils disputèrent.
La dispute est d'un grand secours,
Sans elle on dormirait toujours.
Nos pèlerins s’égosillèrent. (IX, 14, 7-11.)
d) La périphrase consiste à remplacer le nom propre par une
description de l’objet ou l’énoncé d’un trait caractéristique qui le
fait deviner. Elle donne, en général, de la noblesse au style, mais
elle peut avoir des nuances infiniment variées. La Fontaine en
fait un usage tellement abondant qu’on peut dire que c’est une
manie de son style. En voici des exemples pris entre mille.
Périphrases pittoresques. La Dame au nez pointu (VII, 15, 10) et
l’animal à longue échine (IV, 6, 6) est également la Belette.
(Les oiseaux) que le printemps
Mène à sa cour et qui, sous la feuillée,
Par leur exemple et leurs sons éclatants,
Font que Vénus est en nous réveillée. (VII, 7, 3-6.)