Page 473 - Les fables de Lafontaine
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LE MILAN, LE ROI ET LE CHASSEUR        47

        Thérèse de Bourbon. La fable a été évidemment composée à cette
        occasion.
         Ce n’est pas une fable, mais un conte malicieux et édifiant,
        dont La Fontaine s’amuse à donner deux rédactions différentes,
        comme il l’a fait autrefois pour la Mort et le Malheureux (I, 15
        et 16) et pourZe Pâtre et le Lion (VI, 1 et 2). La digression qui les
        sépare, sur la métempsychose *, peut être rapprochée de IX, 7,
        la Souris métamorphosée en Fille. L’ensemble, avec la dédicace-
        épithalame, les deux fables de ton très différent, la digression philo­
        sophique, est très composite et donne un exemple particulièrement
        typique de « fable variée ».

        Comme les dieux sont bons, ils veulent que les rois
               Le soient aussi : c’est l’indulgence
               Qui fait le plus beau de leurs droits,
               Non les douceurs de la vengeance.
       Prince, c’est votre avis. On sait que le courroux   5
       S’éteint en votre cœur sitôt qu’on l’y voit naître.
        Achille1 qui, du sien, ne put se rendre maître,
               Fut par là moins héros que vous.
        Ce titre2 n’appartient qu’à ceux d’entre les hommes
        Qui, comme en l’âge * d’or, font cent biens ici-bas. 10
       Peu de grands sont nés tels, en cet âge où {tous sommes ;
       L’univers leur sait gré du mal qu’ils ne font pas 3.
               Loin que vous suiviez ces exemples,
       Mille actes 4 généreux vous promettent des temples *.
       Apollon *, citoyen * de ces augustes lieux 5,   15
       Prétend * y célébrer votre nom sur sa lyre *.
       Je sais qu’on vous attend dans le palais des dieux :
       Un siècle de séjour ici doit vous suffire.
       Hymen * veut séjourner tout un siècle chez vous.
               Puissent ses plaisirs les plus doux    20
               Vous composer des destinées
               Par ce temps à peine bornées!
       Et la Princesse et vous n’en méritez pas moins.
               J’en prends ses charmes pour témoins,
         1. On sait que la colère d’Achille est le sujet de l’Iliade. — 2. Le
       titre de héros. — 3. Vers d’excellente satire, peut-être inspiré de
       Montaigne : « Les grands me donnent prou s’ils ne m’ôtent rien, et
       me font assez de bien quand ils ne me font pas de mal. » — 4. Accord, 29, a.
       — 5. Ces augustes lieux, les temples poétiques promis au prince.
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