Page 478 - Les fables de Lafontaine
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47& FABLES. — LIVRE DOUZIÈME
Que nous avons mouche appelé 2. 5
Il accusait les dieux, et trouvait fort étrange
Que le Sort *, à tel point, le 3 voulut affliger
Et le fit aux mouches manger.
« Quoi! se jeter sur moi, sur moi, le plus habile
De tous les hôtes des forêts! io
Depuis quand les renards sont-ils un si bon mets ?
Et * que * me sert ma queue ? est-ce un poids inutile ?
Va! le Ciel te confonde, animal importun!
Que * ne vis-tu sur le commun * ? »
Un Hérisson du voisinage, 15
Dans mes vers nouveau personnage 4,
Voulut le délivrer de l’importunité
Du peuple * plein d’avidité.
« Je les vais, de mes dards, enfiler par centaines,
Voisin Renard, dit-il, et terminer tes peines. 20
— Garde-t’en bien, dit l’autre ; ami, ne le fais pas ;
Laisse-les, je te prie, achever leur repas.
Ces animaux sont soûls * : une troupe nouvelle
Viendrait fondre sur moi, plus âpre et plus cruelle. »
Nous ne trouvons que trop de mangeurs ici-bas : 25
Ceux-ci sont courtisans, ceux-là sont magistrats.
Aristote appliquait cet apologue * aux hommes.
Les exemples en sont communs *,
Surtout au pays où nous sommes.
Plus telles * gens sont pleins, moins ils sont importuns. 30
Exercice complémentaire. — Quelles sont les circonstances qui
expliquent que le Renard se laisse « manger aux mouches »? A-t-il
raison de se plaindre? de refuser le secours du hérisson?
2. Entrée en matière descriptive, 26, b. — 3. Complément de
l’infinitif, 29, d. — 4. C’est en effet la première fois que La Fontaine
met le hérisson en scène.