Page 479 - Les fables de Lafontaine
P. 479
L’AMOUR ET LA FOLIE 477
14. — L’AMOUR ET LA FOLIE
Source. — Louise Labé, Débat de la Folie et l’Amour.
Intérêt. — Cette pièce avait d’abord été publiée en 1685, dans
les Ouvrages de prose et de poésie des sieurs de Maucroix et de La
Fontaine. Ce n’est nullement une fable, mais une allégorie galante
dans le goût de l’anacréontisme du xvte siècle. On peut la comparer
aux odelettes de Ronsard : l’Amour piqué, l’Amour mouillé. La pièce
de La Fontaine a de la grâce et de la malice, sans atteindre, peut-
être, à la légèreté délicate des pièces semblables de Ronsard.
Dans le genre de l’allégorie, La Fontaine avait déjà écrit la
Discorde (VI, 20), qui se termine, comme l’Amour et la Folie,
par une pointe *.
Tout est mystère * dans l’Amour * :
Ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance1.
Ce n’est pas l’ouvrage * d’un jour
Que d’épuiser cette science.
Je ne prétends * donc point tout expliquer ici. 5
Mon but est seulement de dire, à ma manière,
Comment l’Aveugle que voici
(C’est un dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière,
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien.
J’en fais juge un amant *, et ne décide rien. 10
La Folie et l’Amour jouaient un jour ensemble.
Celui-ci n’était pas encor * privé des yeux.
Une dispute * vint : l’Amour veut qu’on assemble
Là-dessus * le conseil * des dieux.
L’autre n’eut pas la patience ; 15
Elle lui donne un coup si furieux
Qu’il en perd la clarté des cieux.
Vénus en demande vengeance.
Femme et mère : il * suffit pour juger de ses cris.
Les dieux en furent étourdis : 20
Et Jupiter, et Némésis *,
1. Enfance, le fait qu’il est un entant.