Page 439 - Les fables de Lafontaine
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LE PAYSAN DU DANUBE 435
Ne nous en moquons point ; nous nous laissons séduire
Sur aussi peu de fondement, 45
Et chacun croit fort aisément
Ce qu’il craint et ce qu’il désire.
Exercice complémentaire. — Décrivez les émotions de Maître
Renard après ses deux jours d’attente et au moment où paraît, à la
bouche du puits, la tête du Loup.
7. — LE PAYSAN DU DANUBE
Source. — Antonio de Guevara, l’Horloge des Princes.
Intérêt. — Cette fable est, en réalité, un discours, et même,
un discours latin, une contio, comme on aimait à les faire dans les
collègei du temps, en s’inspirant des modèles anciens, surtout
Tite-Live et Tacite. Ici, c’est Tacite qui serair plutôt le modèle.
La harangue du « sauvage » est composée selon les règles de l’art :
exorde, argumentation, péroraison, pathétique ; le style a toutes
les qualités oratoires : mouvement, images, logique.
Il ne faut point juger des gens sur l’apparence.
Le conseil en est bon, mais il n’est pas nouveau :
Jadis, l’erreur du Souriceau
Me servit à prouver le discours * que j’avance *.
J’ai, pour le fonder, à présent, 5
Le bon Socrate, Ésope \ et certain * Paysan
Des rives du Danube, homme dont Marc-Aurèle
Nous fait un portrait fort fidèle 2.
On connaît les premiers. Quant à l’autre, voici
Le personnage en raccourci 3 : 10
Son menton nourrissait une barbe touffue ;
Toute sa personne velue
Représentait un ours, mais ufi ours mal léché *.
Sous un sourcil épais il avait l’œil caché,
1. Socrate était laid, Ésope était bossu. — 2. Cette référence à
Marc-Aurèle est purement imaginaire. — 3. Entrée en matière à la
fois morale et familière.