Page 434 - Les fables de Lafontaine
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43° FABLES. — LIVRE ONZIÈME
Lieux que j’aimais toujours, ne pourrai-je jamais,
Loin du monde et du bruit, goûter l’ombre et le frais ?
O qui** m’arrêtera* sous vos sombres asiles! 25
Quand pourront les neuf Sœurs *, loin des cours et des villes,
M’occuper tout entier et m’apprendre, des cieux,
Les divers mouvements inconnus à nos yeux,
Les noms et les vertus de ces clartés errantes 2
Par qui sont nos destins * et nos mœurs différentes 3 ? 30
Que * si je ne suis né pour de si grands projets,
Du moins, que les ruisseaux m’offrent de doux objets *!
Que je peigne, en mes vers, quelque rive fleurie!
La Parque * à filets * d’or n’ourdira * point ma vie,
Je ne dormirai point sous de riches lambris *, 35
Mais voit-on que le somme en perde de son prix * ?
En est-il moins profond et moins plein de délices ?
Je lui voue 4, au désert *, de nouveaux sacrifices.
Quand le moment viendra d’aller trouver les morts,
J’aurai vécu sans soins *, et mourrai sans remords. 40
Exercice complémentaire. — Dégagez et commentez les idées
de La Fontaine sur les bienfaits de « là Solitude ».
5. — LE LION, LE SINGE ET LES DEUX ANES
Source. — Inconnue.
Intérêt. Cette dissertation sur l’amour-propre, encadrée
dans une mise en scène de fable, et encadrant, à son tour, un épi
sode mis en forme de fable, est composée comme le Berger et le Roi
(X, 9). C’est le point extrême de la fable variée, les éléments em
pruntés au genre de la fable ne servant plus que d’encadrement
pittoresque à une satire morale qui traite, ici, du plus commun
de tous les lieux communs : l’amour-propre.
2. Les planètes qui président aux destinées, d’après l’astrologie,
contre laquelle La Fontaine s’est élevé avec force par deux fois (II, 13 et
VIII, 16). — 3. Accord, 29, a. — 4. Comprenez : je fais vœu d’offrir
à la solitude de nouveaux sacrifices.