Page 429 - Les fables de Lafontaine
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POUR MONSEIGNEUR LE DUC DU MAINE 42S
Faisait sa principale affaire * 5
Des doux soins * d’aimer et de plaire *.
En lui, l’amour et la raison
Devancèrent le temps *, dont les ailes légères
N’amènent que trop tôt, hélas ! chaque saison *.
Flore * aux regards riants, aux charmantes manières, 10
Toucha d’abord le cœur du jeune Olympien * 2.
Ce que la passion peut inspirer d’adresse * :
Sentiments délicats et remplis de tendresse,
Pleurs, soupirs, tout en fut * : bref, il n’oublia rien.
Le fils de Jupiter devait, par sa naissance, 15
Avoir un autre esprit et d’autres dons des cieux
Que les enfants des autres dieux.
Il semblait qu’il n’agît que par réminiscence *,
Et qu’il eût autrefois 3 fait le métier d’àmant *,
Tant il le fit parfaitement. 20
Jupiter, cependant, voulut le faire instruire.
Il assembla les dieux 4 et dit : « J’ai su conduire
Seul et sans compagnon, jusqu’ici, l’univers,
Mais il est des emplois * divers
Qu’aux nouveaux dieux 5 je distribue. 25
Sur cet enfant chéri, j’ai donc jeté la vue :
C’est mon sang ; tout est plein déjà de ses autels *.
Afin de mériter le rang des immortels,
Il faut qu’il sache tout. » Le Maître du Tonnerre
Eut à peine achevé que chacun applaudit. 30
Pour savoir tout, l’enfant n’avait que trop d’esprit.
« Je veux, dit le dieu de la Guerre 8,
Lui montrer moi-même cet art
Par qui maints héros ont eu part
Aux honneurs de l’Olympe et grossi 7 cet empire. 35
— Je serai son maître de lyre *,
2. C’est-à-dire qu’il montra d’abord du goût pour les fleurs. A moins,
comme on l’a supposé et comme la suite le laisse à penser, qu’il s’agisse
d’un amour d’enfant pour une jeune fille inconnue. On n’ose croire qu’il
s’agisse de la future Mme de Maintenon, qui était sa gouvernante. —
3. Autrefois, avant sa naissance. — 4. C’est-à-dire son conseil, conseil
imaginaire, bien entendu. — 5. C’est-à-dire aux jeunes princes. —
6. Mars. — 7. (Ont) grossi, ellipse usuelle. Cet empire est la France.