Page 426 - Les fables de Lafontaine
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LIVRE ONZIÈME
1. — LE LION
Source. — Aristophane, cité par Plutarque dans la Vie d’Alci
biade (27) et traduit ainsi par Amyot :
Le mieux serait, pour la chose publique,
Ne nourrir point de lion tyrannique ;
Mais, puisqu’on veut le nourrir, nécessaire
Il est qu’on serve à ses façons de faire.
Intérêt. — Cette pièce est à rapprocher de I, 12, le Dragon à
plusieurs têtes et le Dragon à plusieurs queues ; de III, 2, les Membres
et l’Estomac, et, surtout, de VIII, 18, le Bassa et le Marchand.
Comme dans cette dernière, il s’agit ici d’une véritable allégorie
politique dont M. Ferdinand Gohin donne ainsi la traduction :
« Le Léopard serait l’Angleterre (un léopard figure dans ses armoi
ries) ; le Lionceau, Louis XIV. Au début de son règne, pendant
sa minorité, il avait eu « plus d’une affaire » : la Fronde, la guerre
de Trente Ans et la guerre contre l’Espagne ; plus tard, quand
il voulut recueillir sa part de la succession d’Espagne, l’Angle
terre, d’abord son alliée, se tourna contre lui, au lieu qu’il se fit
lui-même un point d’honneur de rester fidèle à ses alliés et fut
« le meilleur Lion pour ses amis qui soit sur terre » ; l’Angleterre
et « force états » qu’elle entraîna dans une coalition, « en pâtirent »
et « celui qu’ils craignaient fut le maître » ; car c’est Louis XIV qui
imposa ses conditions au traité de Nimègue (1678) en ajoutant
à’ses précédentes conquêtes la Franche-Comté. »
n
Sultan Léopard, autrefois,
Eut, ce * dit-on, par mainte aubaine *,
Force * bœufs dans ses prés, force cerfs dans ses bois,
Force moutons parmi * la plaine.
Il naquit un Lion dans la forêt prochaine. S
Après les compliments * et d’une et d’autre part,
Comme entre grands il * se pratique,
Le Sultan fit venir son Vizir * le Renard,
Vieux routier * et bon politique.