Page 421 - Les fables de Lafontaine
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son Image, qui est une allégorie flatteuse pour le duc. Le présent
discours se déroule librement autour de deux exemples : les Lapins
(v. 10-27) et les Chiens (36-42). C’est le même système de compo
sition que pour le Discours à Mme de La Sablière, et c’est le type
même de la fable variée qui ne tient plus, ici, que par un fil ténu
au genre de la fable et-se rapproche de l’essai philosophique de
ton mondain. L’idée directrice du morceau est exprimée dans
les vers 5-8, et se rattache à l’idée directrice du Discours à Mme de
La Sablière, dont cette pièce est ainsi une sorte de complément,
ou, si l’on ose dire, de pièce justificative, couverte de l’autorité
de La Rochefoucauld. Cela revient à dire : Mon idée d’une âme
matérielle commune aux hommes et aux animaux se justifie par
la conduite commune des uns et des autres, et M. le duc de La
Rochefoucauld est de mon avis.
Nous avons là, certainement, un écho très direct des conversa
tions philosophiques qui se déroulaient dans la compagnie de
Mme de La Sablière.
Je me suis souvent dit, voyant de quelle sorte
L’homme agit, et qu’il se comporte
En mille occasions comme les animaux :
Le roi de ces gens-là n’a pas moins de défauts
Que ses sujets, et la nature 5
A mis, dans chaque créature,
Quelque grain * d’une masse * où puisent les esprits :
J’entends les esprits corps, et pétris de matière L
Je vais prouver ce que je dis.
A l’heure de l’affût, soit lorsque la lumière 10
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Précipite ses traits dans l’humide séjour1,
Soit lorsque le soleil rentre dans sa carrière
Et que, n’étant plus nuit, il n’est pas encor * jour,
Au bord de quelque bois, sur un arbre, je grimpe,
Et, nouveau Jupiter *, du haut de cet Olympe *, 15
Je foudroie à discrétion
Un lapin qui n’y pensait guère.
1. C’est la thèse même du Discours à de La Sablière. Les vers 1 à
9 forment une Entrée en matière familière (26, b), du ton de la conver
sation, et qui expose très nettement le sujet. — 2. L'humide séjour,
l’Océan. Périphrase, 24, d.