Page 420 - Les fables de Lafontaine
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416 FABLES. — LIVRE DIXIÈME
Il vit son éléphant couché sur l’autre rive.
Il le prend, il l’emporte, au haut du mont arrive,
Rencontre une esplanade, et puis une cité.
Un cri, par l’éléphant, est aussitôt jeté ;
Le peuple, aussitôt, court en armes. 40
Tout autre aventurier, au bruit de ces alarmes *,
Aurait fui. Celui-ci, loin de tourner le dos,
Veut vendre au moins sa vie et mourir en héros.
Il fut tout étonné d’ouïr cette cohorte *
Le proclamer monarque au lieu de son roi mort. 45
Il ne se fit prier que de la bonne sorte 5,
Encor * que le fardeau 6 fût, dit-il, un peu fort.
Sixte • en disait autant quand on le fit Saint-Père.
(Serait-ce bien une misère
Que d’être pape ou d’être roi ?) 50
On reconnut bientôt son peu de bonne foi..
Fortune aveugle suit aveugle hardiesse.
Le sage *, quelquefois, fait bien d’exécuter
Avant * que de donner le temps à la sagesse
D’envisager le fait, et sans la consulter 7. 55
Exercice complémentaire. — Développez, sous forme de conte
merveilleux, l’aventure du chevalier qui devint roi.
14, — DISCOURS
A Monsieur le Duc de La Rochefoucauld
Source et intérêt. — On trouve le sujet de ce discours dans les
Réflexions diverses, XI, de La Rochefoucauld. Mais La Fontaine
a pu en causer directement avec l’auteur des Maximes, qu’il voyait
chez Mme de La Sablière et pour lequel il avait une vive admi
ration. Il lui avait déjà dédié la fable 11 du Livre 1 : l'Homme et
5. C’est-à-dire de façon à accepter. ■ 6. Le fardeau de l’autorité
royale. —7. La morale de III, 5, le Renard et le Bouc, dit tout le
contraire : « En toute chose il faut considérer la fin. »