Page 418 - Les fables de Lafontaine
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4H FABLES. — LIVRE DIXIÈME
L’Ourse enfin lui dit : « Ma commère *,
Un mot, sans plus * : tous les enfants 10
Qui sont passés entre vos dents *,
N’avaient-ils ni père ni mère ?
— Ils en avaient. — S’il * est ainsi,
Et qu’aucun *, de leur mort, n’ait nos têtes rompues *,
Si tant de mères se sont tues, 15
Que * ne vous taisez-vous aussi ?
— Moi, me taire! Moi, malheureuse!
Ah! j’ai perdu mon fils! il me faudra traîner
Une vieillesse douloureuse.
— Dites-moi, qui * vous force à vous y condamner ? 20
— Hélas! c’est le destin * qui me hait. »
Ces paroles
Ont été de tout temps en la bouche de tous.
Misérables * humains, ceci s’adresse à vous :
Je n’entends résonner que des plaintes frivoles *.
Quiconque, en pareil cas, se croit haï des Cieux, 25
Qu’il considère Hécube *, il rendra grâce aux dieux.
Exercice complémentaire. — Pensez-vous que la considération
des malheurs d’autrui puisse consoler quelqu’un de ses malheurs per
sonnels?
13. — LES DEUX AVENTURIERS ET LE TALISMAN
Source. — Pilpay.
Intérêt. — Nous sommes, ici, comme le dit La Fontaine, « au
pays des romans », c’est-à-dire au pays des aventures merveil
leuses et chevaleresques, telles qu’on les voit dans les romans
courtois, dont la vogue, sous des renouvellements continuels,
persista jusqu’à la fin du xvme siècle. C’est donc, non une fable,
mais un conte merveilleux, préludant à la mode des contes féeriques
qui va régner à la fin du siècle et au début du siècle suivant, avec
Perrault, Mme d’Aulnoy, Galland et beaucoup d’autres.