Page 413 - Les fables de Lafontaine
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LES POISSONS ET LE BERGER QUI JOUE DE LA FLUTE 409
Le coffre étant ouvert, on y vit des lambeaux,
L’habit d’un gardeur de troupeaux :
Petit chapeau, jupon *, panetière *, houlette,
Et je pense aussi sa musette *.
« Doux trésors, ce * dit-il, chers gages * qui jamais 70
N’attirâtes sur vous l’envie et le mensonge,
Je vous reprends ; sortons de ces riches palais
Comme l’on sortirait d’un songe.
Sire, pardonnez-moi cette exclamation.
J’avais prévu ma chute en montant sur le faîte 75
Je m’y suis trop complu. Mais qui n’a, dans la tête,
Un petit grain * d’ambition ? »
Exercice complémentaire. — Racontez comment le Berger et
l'Ermite se retrouvèrent ensemble, « au désert ».
10. — LES POISSONS
ÈT LE BERGER QUI JOUE DE LA FLUTE
Sources. — Ésope ; Aphthonius ; Gilbert Cousin ; Haudent.
Intérêt. — Il y a une discordance singulière entre le ton tout
bucolique et amoureux de cette sorte d’églogue, et la morale
rudement politique. Comme églogue, cette pièce est à rapprocher
de Tircis et Amaranthe (VIII, 13) ; mais, pour la morale, elle
rejoint la Tête et la Queue du Serpent (VII, 16). Comme églogue,
cette pièce est charmante : le cadre gracieux, la gentillesse d’atti
tude des deux personnages, la fluidité de la langue, la douceur
sucrée des lieux communs amoureux, font de l’ensemble un chef-
d’œuvre aux teintes douces, un peu fades, avivées par endroits
de touches ironiques, qui rappelle les jolies pièces de l’Anthologie
grecque.
Tircis qui, pour la seule Annette,
Faisait résonner les accords
D’une voix et d’une musette *
Capables de toucher les morts,
7. Réminiscence de Corneille : « Et monté sur le faîte, il aspire à
descendre » (Cinna, II, sc. I).