Page 409 - Les fables de Lafontaine
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LE CHIEN A QUI ON A COUPÉ LES OREILLES 405
Ils feraient les honneurs de la ménagerie *.
Ce peuplé *, cependant, fort souvent en furie,
Pour la Dame étrangère ayant peu de respect2,
Lui donnait fort souvent d’horribles coups de bec. 10
D’abord, elle en fut affligée ;
Mais, sitôt qu’elle eut vu cette troupe enragée
S’entre-battre elle-même et se percer les flancs,
Elle se consola : « Ce sont leurs mœurs, dit-elle,
Ne les accusons point ; plaignons plutôt ces gens. 15
Jupiter, sur un seul modèle,
N’a pas formé tous les esprits :
Il est * des naturels de coqs et de perdrix.
S’il * dépendait de moi, je passerais ma vie
En plus honnête compagnie *. 20
Le maître de ces lieux 3 en ordonne autrement.
Il nous prend avec des tonnelles *,
Nous loge avec des coqs et nous coupe les ailes :
C’est de l’homme qu’il,faut se plaindre seulement. »
Exercice complémentaire. — Lettre de la Perdrix à une de ses
sœurs restées parmi les perdrix, pour lui décrire sa triste vie au milieu
des coqs.
8. — LE CHIEN A QUI ON A COUPÉ LES OREILLES
Source. — Inconnue. Voir ci-dessous.
Intérêt. — Portrait en action d’un jeune dogue ; il fait le pen
dant antithétique du portrait de la perdrix, dans la fable précé
dente et, comme il ne comporte aucune action, il a pu fort bien
être pris sur nature. Ce n’est qu’une esquisse, dont La Fontaine
tire un peu lourdement une morale de prudence.
« Qu’ai-je fait, pour me voir ainsi
Mutilé par mon propre maître1 ?
Le bel état où me voici!
Devant les autres chiens oserai-je paraître ?
2. Au XVIIe siècle, on prononçait respek. — 3. L’homme.
1. Entrée en matière exclamative, 26, b.