Page 410 - Les fables de Lafontaine
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4o6 FABLES. — LIVRE DIXIÈME
O rois des animaux, ou, plutôt, leurs tyrans, 5
Qui vous ferait choses pareilles ? »
Ainsi criait Mouflar, jeune dogue * ; et les gens,
Peu touchés de ses cris douloureux et perçants,
Venaient de lui couper sans pitié les oreilles.
Mouflar y croyait perdre ; il vit avec le temps 10
Qu’il y gagnait beaucoup ; car, étant de nature
A piller * ses pareils, mainte mésaventure 2
L’aurait fait retourner chez lui
Avec cette partie en cent lieux altérée * :
Chien hargneux a toujours l’oreille déchirée. 15
Le moins qu’on peut laisser de prise aux dents d’autrui,
C’est le mieux. Quand on n’a qu’un endroit à défendre,
On le munit de peur d’esclandre * ;
Témoin maître Mouflar armé d’un gorgerin *,
Du reste, ayant d’oreille autant que sur ma main ; 20
Un loup n’eût su par où le prendre.
Exercice complémentaire. — Que pensez-vous de cette méthode
qui consiste à couper les oreilles du chien pour qu’il ne les ait pas
déchirées?
9. — LE BERGER ET LE ROI
Source. — Pilpay.
Intérêt. — C’est, comme dit La Fontaine, un « conte du bon
temps » plutôt qu’une fable. La Fontaine y développe à plaisir
le dialogue moral entre le Pâtre devenu Juge et l’Ermite, jusqu’à
y introduire une seconde fable. C’est le type même de la fable
variée, dont le développement court ou s’arrête au gré de l’auteur,
et qui mêle, avec une émotion souriante, le pittoresque et le drama
tique. On peut, pour la composition, comparer avec VIII, 18, le
Bassa et le Marchand, où l’on voit, comme ici, une seconde fable
racontée par l’un des personnages de la première.
2. Accord, 29, a.