Page 375 - Les fables de Lafontaine
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LE LOUP ET LE CHIEN MAIGRE           37i


             10.  — LE LOUP ET LE CHIEN MAIGRE

         Sources. — Ésope ; Haudent ; Faërne.
         Intérêt. — La Fontaine indique lui-même, un peu longuement,
       que cette fable est le complément de V, 3 : le petit Poisson et le
       Pêcheur ; la même idée est illustrée par IV, 2, le Berger et la Mer.
       Il faut aussi rapprocher I, 5, le Loup et le Chien, qui oppose les
       deux personnages dans une situation exactement antithétique.
       Aussi n’y a-t-il pas grande originalité dans cette fable, qui vaut
       surtout par l’aisance familière du ton, la vivacité du dialogue et
       la vérité du décor pittoresque.
               Autrefois Carpillon fretin *
              Eut beau prêcher, il eut beau dire :
               On le mit dans la poêle à frire.
       Je fis voir que lâcher ce qu’on a dans la main
              Sous * espoir de grosse aventure *,      5
              Est imprudence toute pure.
       Le pêcheur eut raison, Carpillon n’eut pas tort.
       Chacun dit ce qu’il peut pour défendre sa vie.
               Maintenant, il faut que j’appuie *
       Ce que j’avançai * lors * de quelque trait * encor *.   10
       Certain * Loup, aussi sot que le pêcheur fut sage *,
              Trouvant un Chien hors du village,
       S’en allait * l’emporter. Le Chien représenta *
       Sa maigreur : « Jà * ne plaise à votre seigneurie
              De me prendre en cet état-là!           15
              Attendez : mon maître marie
              Sa fille unique ; et vous jugez
       Qu’étant de noce, il faut *, malgré moi, que j’engraisse. »
              Le Loup le croit ; le Loup le laisse ;
              Le Loup, quelques jours écoulés,        20
       Revient voir si son Chien n’est point meilleur à prendre.
              Mais le drôle * était au logis.
              Il dit au Loup, par un treillis1 : ■
       « Ami, je vais sortir ; et, si tu veux attendre,
         1. Ouverture dans une porte, fermée par un treillis, et destinée
       voir au dehors : c’est un judas.
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