Page 371 - Les fables de Lafontaine
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'LA SOURIS MÉTAMORPHOSÉE EN FILLE       367

      On tient toujours du lieu * dont on vient. Cette fable
      Prouve assez bien ce point. Mais, à la voir de près,
      Quelque peu de sophisme entre parmi ses traits * :   50
      Car quel époux n’est point au Soleil préférable
      En s’y prenant ainsi ? dirai-je qu’un géant
      Est moins fort qu’une puce ? elle le mord pourtant.
      Le rat devait * aussi renvoyer, pour bien faire,
             La belle au chat, le chat au chien,     55
             Le chien au loup ; par le moyen
             De cet argument circulaire *,
      Pilpay jusqu’au soleil eût enfin remonté,
      Le soleil eût joui de la jeune beauté.
      Revenons, s’il se peut, à la métempsychose * 9 :   60
      Le sorcier du bramin fit sans doute une chose
      Qui, loin de la prouver, fait voir sa fausseté ;
      Je prends droit * là-dessus contre le bramin même,
             Car il faut *, selon son système,
      Que l’homme, la souris, le ver, enfin chacun   65
      Aille puiser son âme en un trésor commun ;
             Toutes sont donc de même trempe ;
             Mais, agissant diversement
             Selon l’organe seulement,
             L’une s’élève, et l’autre rampe.       70
      D’où vient donc que ce corps, si bien organisé,
             Ne put obliger son hôtesse
      De s’unir au soleil, un rat10 eut sa tendresse ?
             Tout débattu, tout bien pesé,
      I .es âmes des souris et les âmes des belles *   75
             Sont très differentes entre elles.
      II  en faut revenir toujours à son destin *,
      C’est-à-dire à la loi par le Ciel établie.
         Parlez au diable, employez la magie,
      Vous ne détournerez nul être de sa fin.       80

       Exercice complémentaire. — Exposez la doctrine de la métem­
     psychose et sa réfutation, d'après La Fontaine.


       9. Transition, 26, d. — 10. Un rat (et qu’) un rat. Ellipse, 23, m.
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