Page 366 - Les fables de Lafontaine
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3 62 FABLES. — LIVRE NEUVIÈME
5. — L’ÉCOLIER, LE PÉDANT *
ET LE MAITRE D’UN JARDIN
Source. — Inconnue. Voir ci-dessous.
Intérêt. — Cette fable est, pour le sujet, une reprise de IV, 4 :
le Jardinier et son Seigneur, et, pour les personnages et la morale,
une reprise de I, 19 : l’Enfant et le Maître d’École. Mais, en s’ins
pirant ainsi de lui-même, La Fontaine a fait une œuvre vivante,
poétique, pittoresque, et d’un esprit satirique très aiguisé. Il y
affirme plus nettement qu’ailleurs son hostilité à l’égard du monde
des enfants, paradoxale chez un auteur qui écrit pour ce petit
monde.
Certain * enfant, qui sentait * son collège,
Doublement sot, et doublement fripon *,
Par le jeune âge et par le privilège
Qu’ont les pédants * de gâter * la raison,
Chez un voisin, dérobait, ce * dit-on, 5
Et fleurs et fruits ; ce voisin, en automne,
Des plus beaux dons que nous offre Pomone *,
Avait la fleur, les autres le rebut.
Chaque saison apportait son tribut * :
Car, au printemps, il jouissait encore * 10
Des plus beaux dons que nous présente Flore *.
Un jour, dans son jardin, il vit notre Écolier
Qui, grimpant sans égard sur un arbre fruitier,
Gâtait * jusqu’aux boutons, douce et frêle espérance,
Avant-coureurs des biens que promet l’abondance1. 15
Même, il ébranchait l’arbre, et fit tant, à la fin,
Que le possesseur du jardin
Envoya faire * plainte au maître de la classe.
Celui-ci vint, suivi d’un cortège d’enfants.
Voilà le verger plein de gens 20
Pires que le premier. Le Pédant *, de sa grâce *,
Accrut le mal, en amenant
Cette jeunesse mal instruite *,
1. Allégorie, 23, b.