Page 365 - Les fables de Lafontaine
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LE GLAND ET LA CITROUILLE 361
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C’est dommage, Garo x, que tu n’es1 point entré
Au conseil de celui que prêche ton curé 3 ;
Tout en eût été mieux. Car, pourquoi, par exemple;
Le gland, qui n’est pas gros comme mon petit doigt, 15
Ne pend-il pas en cet endroit 4 ?
Dieu s’est mépris. Plus je contemple
Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo 5
Que l’on a fait un quiproquo 6. »
Cette réflexion embarrassant notre homme : 20
« On ne dort point, dit-il, quand on a tant d’esprit. »
Sous un chêne, aussitôt, il va prendre son somme.
Un gland tombe. Le nez du dormeur en pâtit.
Il s’éveille ; et, portant la main sur son visage,
Il trouve encor * le gland pris au poil du menton. 25
Son nez meurtri le force à changer de langage.
« Oh! oh! 7 dit-il, je saigne! Et que serait-ce donc
S’il fût tombé de l’arbre une masse plus lourde
Et que ce gland eût été gourde * ?
Dieu ne l’a pas voulu ; sans doute il eut raison. 30
J’en vois bien à présent la cause. »
En louant Dieu de toute chose,
Garo retourne à la maison.
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Exercice complémentaire. — En rentrant à la maison, Garo
rencontre son curé et lui raconte ce qui vient de lui arriver.
1. C’est le nom du villageois qui, par un trait de mœurs, se désigne
lui-même par son nom propre. Ce nom de Garo se trouve assez commu
nément, mais plutôt sous la forme Garreau. — 2. Indicatif, constatant
le fait réel. — 3. Dieu. Périphrase, 24, d. — 4. Garo montre du doigt
la tige rampante de la citrouille. •— 5. Pour : plus il me semble. —
6. Quiproquo : erreur qui consiste à prendre une chose pour une
autre. — 7. Hiatus, 27, d. x