Page 360 - Les fables de Lafontaine
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356 FABLES. — LIVRE NEUVIÈME
L’homme au pot fut plaisant ; l’homme au fer fut habile.
Quand l’absurde est outré *, l’on lui fait trop d’honneur
De vouloir par raison corpbattre son erreur. 90
Enchérir est plus court, sans s’échauffer la bile.
Exercice complémentaire. — Développez les idées de La Fon
taine sur les différentes sortes de mensonges, leurs effets, leurs remèdes.
2. — LES DEUX PIGEONS
✓ *
Source. — Pilpay.
Intérêt. — Cette fable est le chef-d’œuvre de la fable senti
mentale : les émotions du départ, les misères accumulées du voyage,
le retour du pigeon prodigue, la conclusion, tout est traité dans
un ton d’émotion tendre qui reste dans une note parfaite de vérité,
nuancée d’un sourire où l’esprit se joue, sans les gâter, parmi les
nuances du sentiment. 4
Deux Pigeons s’aimaient d’amour tendre.
L’un d’eux, s’ennuyant au logis,
Fut assez fou pour entreprendre
Un voyage en lointain pays.
L’autre lui dit : « Qu’allez-vous faire ? 5
Voulez-vous quitter votre frère ?
L’absence est le plus grand des maux,
Non pas pour vous, cruel! Au moins, que les travaux *,
Les dangers, les soins * du voyage
Changent un peu votre courage *. 10
Encor *, si la saison * s’avançait davantage!
Attendez les zéphyrs *. Qui * vous presse ? un corbeau,
Tout à l’heure, annonçait malheur à quelque oiseau.
Je ne songerai * plus que rencontre * funeste,
Que faucons *, que réseaux *. Hélas! dirai-je, il pleut : 15
Mon frère a-t-il tout ce qu’il veut,
Bon souper *, bon gîte et le reste1 ? »
1. Le discours du Pigeon’ est un chef-d’œuvre d’exhortation tendre.