Page 363 - Les fables de Lafontaine
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LE SINGE ET LE LÉOPARD 359
3. — LE SINGE ET LE LÉOPARD
Sources. — Ésope ; Plutarque (Banquet des Sept Sages) ;
Gilbert Cousin ; Haudent ; Verdizotti.
Intérêt. — Fable didactique, destinée à faire valoir l’avantage
de l’esprit, comme VIII, 19 est destinée à faire valoir l’Avantage
de la Science. Les deux fables sont à rapprocher, pour en noter
plus les différences que les ressemblances. Celle-ci est un petit
tableau de genre, réaliste et vivant à souhait, ce que les peintres
appellent « une pochade ». Le boniment du Singe est à rapprocher
du boniment du Charlatan, dans VI, 19.
Le Singe avec * le Léopard
Gagnaient de l’argent à la foire.
Ils affichaient * chacun à part.
L’un d’eux disait : « Messieurs, mon mérite et ma gloire
Sont connus en bon lieu * ; le Roi m’a voulu voir ; 5
Et, si je meurs, il veut avoir
Un manchon * de ma peau, tant elle est bigarrée,
Pleine de taches, marquetée,
Et vergetée, et mouchetée1. »
La bigarrure plaît * ; partant *, chacun le vit. 10
Mais ce fut bientôt fait, bientôt chacun sortit.
Le Singe, de sa part *, disait : « Venez, de grâce,
Venez, Messieurs. Je fais cent tours de passe-passe.
Cette diversité dont on vous parle tant,
Mon voisin Léopard l’a sur soi seulement, 15
Moi, je l’ai dans l’esprit. Votre serviteur, Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,
Singe du pape, en son vivant,
Tout fraîchement en cette ville
Arrive en trois bateaux * exprès pour vous parler. 20
Car il parle, on l’entend ; il sait danser, baller *,
Faire des tours de toute sorte,
Passer en des cerceaux ; et le tout, pour six blancs *1
Non, Messieurs, pour un sou. Si vous n’êtes contents,
Nous rendrons à chacun son argent à la porte. » 25
1. Accumulation, 23, a.
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