Page 373 - Les fables de Lafontaine
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L’HUITRE ET LES PLAIDEURS 369
Un 4 des dupes, un jour, alla trouver un sage
Qui, sans hésiter davantage, 25
Lui dit : « Ce sont ici hiéroglyphes 5 tout purs :
Les gens bien conseillés et qui voudront bien faire *,
Entre eux et les gens fous mettront, pour l’ordinaire *,
La longueur de ce fil ; sinon, je les tiens sûrs
De quelque semblable caresse 6. 30
Vous n’êtes point trompé : ce fou vend la Sagesse. »
Exercice complémentaire. — Faites les portraits antithétiques
du Fou et du Sage, selon La Fontaine.
9. — L’HUITRE ET LES PLAIDEURS
Source. — Boileau, 2e Épître. La Fontaine connaissait la fable
de Boileau avant sa publication (1669), puisqu’il y fait allusion
au dernier vers de I, 21 : les Frelons et les Mouches à miel, publiée
en 1668. L’Huître et les Plaideurs a été publiée en 1671.
Intérêt. — La Fontaine se donne ïe plaisir de refaire à sa façon
la fable de Boileau. La comparaison fera apparaître l’évidente
supériorité du fabuliste dans la conduite de l’action, le pitto
resque du décor, la vérité des personnages. Voici la fable de Boileau :
Un jour, dit un auteur, n’importe en quel chapitre,
Deux voyageurs à jeun rencontrèrent une huître.
Tous deux la contestaient, lorsque, dans leur chemin,
La Justice passa, la balance à la main.
Devant elle, à grand bruit, ils expliquent la chose ;
Tous deux avec dépens veulent gagner leur cause.
La Justice, pesant ee droit litigieux,
Demande l’huître, l’ouvre et l’avale à leurs yeux,
4. Un des dupes un (spectateur qui fut une) des dupes, Syllepse, 24, j,
qui ne laisse pas d’être assez choquante. •—- 5. Hiéroglyphes (quatre
syllabes), énigme indéchiffrable. Les hiéroglyphes égyptiens n’ont été
déchiffrés qu’au XIXe siècle par Champollion. — 6. Caresse, ironique
pour soufflet.