Page 377 - Les fables de Lafontaine
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LE CIERGE                  373

        Pour corriger le blé, Dieu permit aux moutons
        De retrancher l’excès des prodigues moissons.
                Tout au travers ils se jetèrent,       15
                Gâtèrent * tout et tout broutèrent,
                Tant, que le Ciel permit aux Loups
        D’en croquer quelques-uns : ils les croquèrent tous.
        S’ils ne le firent pas, du moins ils y tâchèrent.
               Puis, le Ciel permit aux humains        20
        De punir ces derniers : les humains abusèrent
                A leur tour des ordres divins.
        De tous les animaux *, l’homme a le plus de pente
               A se porter dedans * l’excès.
               Il faudrait faire le procès             25
        Aux petits comme aux grands. Il n’est âme vivante
        Qui ne pèche en ceci. Rien de trop est un point *
        Dont on parle sans cesse et qu’on n’observe point.
          Exercice complémentaire. — En prenant cette fable .comme
        point de départ,expliquez, commentez et, s’il y a lieu, critiquez l’adage
        antique « Rien de trop ».



                        12.  — LE CIERGE

          Sources. -— Abstémius ; Camérarius ; Haudent.
          Intérêt. — Dix v.ers, sur les vingt que comporte cette fable,
        sont consacrés à exposer, en style mythologique ou figuré, l’ori­
        gine du cierge, dont les dix vers suivants content avec humour
        l’invraisemblable aventure, en la mêlant à celle d’Empédocle.
        C’est un agréable bavardage teinté de poésie et de philosophie,
        et terminé par une pointe satirique. Sans être, certes, un modèle’
        de composition, cette pièce est très significative de l’esprit de
        La Fontaine qui semble se plaire à suivre au hasard toutes les
        digressions, et décoche, pour finir, un trait acéré.
        C’est du séjour des dieux que les abeilles viennent1.
        Les premières, dit-on, s’en allèrent loger
         1. Une tradition antique accordait aux abeilles quelque chose de
        divin (cf. Virgile, Géorgiques, IV, 220).
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