Page 378 - Les fables de Lafontaine
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374        , FABLES. — LIVRE [NEUVIÈME

              Au mont Hymette2, et se gorger
       Des trésors qu’en ce lieu les zéphyrs * entretiennent.
       Quand on eut, des palais de ces filles du Ciel,   5
       Enlevé l’ambroisie en leurs chambres enclose 3,
              Ou, pour dire en français la chose,
              Après que les ruches sans miel
       N’eurent plus que la cire, on fit mainte bougie ;
              Maint cierge aussi fut façonné.         10
       Un d’eux, voyant la terre, en brique au feu durcie,
       Vaincre l’efiFort des ans, il eut la même envie 4,
       Et, nouvel Empédocle 5, aux flammes condamné
              Par sa propre et pure folie,
       Il se lança dedans 6. Ce fut mal raisonné ;    15
       Ce cierge ne savait grain * de philosophie.
       Tout en tout est divers * 7 : ôtez-vous de l’esprit
       Qu’aucun être ait été composé sur * le vôtre.
       L’Empédocle de cire au brasier se fondit :
              Il n’était pas plus fou que l’autre.   20
        Exercice complémentaire. — Comparez cette fable avec II,
       16, l’Ane chargé d’éponges et l’Ane chargé de sel ; II, 16, le Cor­
       beau voulant imiter l’Aigle, et développez la morale commune à
       ces trois textes.



        2. « Hymette était une montagne célébrée par les poètes, située dans
       l’Attique, et où les Grecs recueillaient d’excellent miel » (Note de La
       Fontaine). Le vers 4 est une périphrase, pour : les fleurs. — 3. Deux
       périphrases dont La Fontaine donne la traduction dans les vers
       suivants, non sans humour. — 4. L'envie de se durcir au feu, comme
       la terre, pour « vaincre l’effort des ans ». Concision (23, k) extrême,
       curieuse dans une fable où l’auteur étale tant de ■ périphrases. —
       5. « Empédocle était un philosophe ancien qui, ne pouvant comprendre t
       les merveilles du mont Etna, se jeta.dedans par une vanité ridicule, et,
       trouvant l’action belle, de peur d’en perdre le fruit et que la postérité
       ne l’ignorât, laissa ses pantoufles au pied du mont » (Note de La Fontaine).
      — 6. Dans les flammes. — 7. Tout en tout est divers : les mêmes éléments
      ont, dans tous les êtres, des effets différents. Autrement dit : chacun
       doit agir à sa façon personnelle, d’après sa nature, sans copier personne.
       C’est la vraie morale de la fable ; mais, après tant de prolixité, on ne
       saurait montrer plus de concision, 23, k.
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