Page 350 - Les fables de Lafontaine
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346         FABLES. — LIVRE HUITIÈME
        qui est à comparer, notamment aux vers 30-37. Le même lieu
        commun est développé par Corneille, dans le Menteur, Molière,
        dans Dom Juan, et, chez les Latins, par Salluste, Jugurtha (dis­
        cours de Marius au peuple), Sénèque, 44e lettre, Juvénal, sa­
        tire VIII. Il est à remarquer que, pour traiter ce sujet éminemment
        satirique, La Fontaine évite soigneusement le ton de la satire.
        Laridon1 et César, frères dont l’origine
        Venait de chiens fameux, beaux, bien faits et hardis,
        A deux maîtres divers * échus au temps jadis,
        Hantaient * l’un les forêts2, et l’autre, la cuisine.
        Ils avaient eu d’abord chacun un autre nom,     5
               Mais la diverse * nourriture *
        Fortifiant en l’un cette heureuse * nature,
        En l’autre l’altérant, un certain * marmiton
               Nomma celui-ci Laridon.
        Son frère, ayant couru mainte haute aventure *,   10
        Mis maint cerf aux abois *, maint sanglier 3 abattu,
        Fut le premier César que la gent * chienne ait eu.
        On eut soin d’empêcher qu’une indigne maîtresse
        Ne fît, en ses enfants, dégénérer son sang.
        Laridon, négligé, témoignait sa tendresse      15
               A l’objet * le premier passant.
               Il peupla tout de son engeance * :
        Toume-broches 4, par lui rendus communs en France,
        Y font un corps * à part, gens fuyant les hasards *,
               Peuple * antipode des Césars.           20
        On ne suit * pas toujours ses aïeux ni son père ;
        Le peu de soin, le temps, tout fait qu’on dégénère.
        Faute de cultiver la nature et ses dons,
        O combien de Césars deviendront Laridons!

         Exercice complémentaire. — Retour de chasse, César rencontre
       Laridon au seuil de sa cuisine. Dialogue entre les deux chiens.

         1. Laridon, de laridum, lard. — 2. Les forêts, pour chasser. —
        3. Deux syllabes, par synérèse, 27, f. — 4. On enfermait les chiens
        dans des caisses rondes qu’ils faisaient tourner par leur poids,
        actionnant ainsi la broche des rôtissoires.
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