Page 349 - Les fables de Lafontaine
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L’ÉDUCATION 345
Nul voyageur n’osait passer 5
Une barrière si puissante.
Un seul2 vit des voleurs et, se sentant pressé *,
Il mit entre eux et lui cette onde menaçante.
Ce n’était que menace et bruit, sans profondeur ;
Notre homme, enfin, n’eut que la peur. 10
Ce succès * lui donnant courage
Et les mêmes voleurs le poursuivant toujours,
11 rencontra sur son passage
Une Rivière dont le cours,
Image d’un sommeil doux, paisible et tranquille3, 15
Lui fit croire d’abord * ce trajet * fort facile.
Point de bords escarpés, un sable pur et net 4.
Il entre, et son cheval le met
A couvert des voleurs, mais non de l’onde noire * :
Tous deux au Styx * allèrent boire ; 20
Tous deux, à nager malheureux *,
Allèrent traverser, au séjour ténébreux,
Bien * d’autres fleuves que les nôtres.
Les gens sans bruit sont* dangereux ;
Il n’en est pas ainsi des autres. 25
Exercice complémentaire. — Que dit le Torrent en descendant
des montagnes? Que murmure la Rivière en coulant dans la plaine?
24. — L’ÉDUCATION
Sources. —- Ésope ; Plutarque (Comment il faut nourrir les
enfants) ; Haudent.
Intérêt. — Fable purement didactique, se bornant à opposer,
sans aucune action, deux portraits antithétiques, pour développer
ce lieu commun : que la noblesse tient plus à l’éducation qu’à la
race. C’est le sujet même de la Satire V de Boileau, à Dangeau,
2. Un seul (qui) vit... mit entre eux et lui... — 3. Accumulation,
23, a. — 4. Phrase. nominale, 29, s.