Page 345 - Les fables de Lafontaine
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JUPITER ET LES TONNERRES 339
Jupiter *, voyant nos fautes,
Dit, un jour, du haut des airs :
— « Remplissons de nouveaux hôtes
Les cantons * de l’univers
Habités par cette race 5
Qui m’importune et me lasse.
Va-t-en, Mercure *, aux Enfers :
Amène-moi la Furie *
La plus cruelle des trois.
Race que j’ai trop chérie, 1O
Tu périras, cette fois! »
Jupiter ne tarda guère
A modérer son transport *.
O vous, rois! qu’il voulut faire
Arbitres de notre sort1, 15
Laissez, entre la colère
Et l’orage * qui la suit,
L’intervalle d’une nuit.
Le dieu dont l’aile est légère
Et la langue a des douceurs2 20
Alla voir les noires * Sœurs.
A Tisiphone et Mégère *,
Il préféra, ce * dit-on,
L’impitoyable Alecton.
Ce choix la rendit si fière * 25
Qu’elle jura, par Pluton *,
Que toute l’engeance * humaine
Serait bientôt du domaine
Des déités de là-bas *.
Jupiter n’approuva pas 30
Le serment de l’Euménide *.
Il la renvoie, et, pourtant,
Il lance un foudre * à l’instant
Sur certain * peuple perfide.
Le tonnerre, ayant pour guide * 35
1. Les rois, dans l’antiquité, sont « fils de Jupiter ». C’est « 1 e droit
divin ». — 2. Périphrase, 24, d, pour Mercure, dieu messager ailé et
dieu de l’éloquence.