Page 340 - Les fables de Lafontaine
P. 340
334 FABLES. — LIVRE HUITIÈME
Notre baudet s’en, sut enfin 15
Passer pour cette fois. Le Chien, mourant de faim,
Lui dit : « Cher compagnon, baisse-toi, je te prie,
Je prendrai mon dîner dans le panier au pain. »
Point de réponse, mot 3. Le roussin * d’Arcadie
Craignit qu’en perdant un moment, 20
Il ne perdit un coup de dent.
Il fit longtemps la sourde oreille.
Enfin, il répondit : « Ami, je te conseille
D’attendre que ton maître ait fini son sommeil,
Car il te donnera, sans faute, à son réveil, 25
Ta portion accoutumée.
Il ne saurait tarder beaucoup. »
Sur ces entrefaites, un loup
Sort du bois, et s’en vient *. Autre bête affamée.
L’Ane appelle aussitôt le Chien à son secours. 30
Le Chien ne bouge 3 et dit : « Ami, je te conseille
De fuir en attendant que ton maître s’éveille.
Il ne saurait tarder. Détale * vite et cours.
Que * si ce loup t’atteint, casse-lui la mâchoire.
On t’a ferré de neuf, et si tu me veux croire, 35
Tu l’étendras tout plat *. » Pendant ce beau discours,
Seigneur Loup étrangla le baudet sans remède.
Je conclus qu’il faut qu’on s’entr’aide.
Exercice complémentaire. — Dites quelle est la conduite du
maître à l’égard du Chien, quand il s’éveille et voit l’Ane étranglé.
18. — LE BASSA ET LE MARCHAND
Source. — Inconnue. Voir ci-dessous.
Intérêt. ■— Fable d’actualité politique, suggérée sans doute
par l’attitude des Provinces-Unies (Pays-Bas) qui avaient préféré,
à l’alliance de Louis XIV, celle de l’Espagne et de la Suède, laquelle
alliance s’avéra fort onéreuse. Le Marchand grec symbolise les
3. Négation, 29, k.