Page 336 - Les fables de Lafontaine
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33° FABLES. — LIVRE HUITIÈME
Intérêt. — La Fontaine reprend, ici, en l’étoffant, la disser
tation sur l’astrologie, qui fait le sujet de II, 13 : l’Astrologue qui
se laisse tomber dans un puits. Mais son « discours » va en deux
directions différentes et même opposées : la première partie
prouve, par deux exemples, que :
On rencontre sa destinée
Souvent par des chemins qu’on prend pour l’éviter.
La seconde partie prouve, par des arguments de raison, que,
l’astrologie étant fausse, les deux exemples cités ne prouvent
rien.
Outre cette discordance dans les idées, ce « discours » a encore,
contre lui, des lourdeurs et même des gaucheries d’expression.
On rencontre sa destinée
Souvent par des chemins qu’on prend pour l’éviter.
Un père eut, pour toute lignée *,
Un fils qu’il aima trop, jusques * à consulter,
Sur le sort de sa géniture *, 5
Les diseurs de bonne aventure.
Un de ces gens lui dit que, des lions surtout,
Il éloignât1 l’enfant jusques * à certain âge,
Jusqu’à vingt ans, point davantage.
Le père, pour venir à bout 10
D’une précaution sur qui * roulait * la vie
De celui qu’il .aimait, défendit que jamais
On lui laissât1 passer le seuil de son palais.
Il pouvait, sans sortir, contenter son envie *,
Avec ses compagnons tout le jour badiner *, 15
Sauter, courir, se promener.
Quand il fut en l’âge où le chasse
Plaît le plus aux jeunes esprits *,
Cet exercice avec mépris
Lui fut dépeint ; mais, quoi qu’on fasse : 20
Propos, conseil, enseignement,
Rien ne change un tempérament.
1. Subjonctif-impératif du style indirect, 30, 'b.