Page 330 - Les fables de Lafontaine
P. 330
FABLES. — LIVRE HUITIÈME
324
étant devenue Mme de Thibergeau en 1675, le poème est certaine
ment antérieur à cette date. La Fontaine, s’il faut l’en croire,
hésitait à se remettre au genre des fables auquel il avait renoncé
publiquement à la fin de son premier recueil. C’est le succès et
les instances des gens du monde qui l’ont fait changer d’avis.
Le prologue, galant et précieux, est à rapprocher, pour le ton,
de la dédicace à Mlle de Sévigné (IV, 1). Quant à la bergerie elle-
même, elle fait étalage de ces grâces mièvres si fort à la mode
depuis l’Astrée (1608), déployant toute la gamme des amours
dans un décor d’opéra-comique.
On remarquera que cette fable, avec son prologue, serait mieux
à sa place en tête du deuxième recueil, puisqu’elle explique les
raisons du retour de l’auteur au genre de la fable qu’il avait aban
donné publiquement dans l’Épilogue du livre VI.
J’avais Ésope quitté1
Pour être tout à Boccace 2 ;
Mais une divinité
Veut revoir sur le Parnasse *
Des fables de ma façon ; 5
Or, d’aller lui dire non
Sans quelque valable excuse,
Ce n’est pas comme * on en use *
Avec des divinités 3,
Surtout quand ce sont de celles 10
Que la qualité de belles *
Fait reines des volontés.
Car, afin que l’on le sache,
C’est Sillery qui s’attache
A vouloir que, de nouveau,
Sire Loup, sire Corbeau
Chez moi se parlent en rime.
Qui dit Sillery, dit tout :
Peu de gens, en leur estime.
Lui refusent le haut bout *. 20
Comment le pourrait-on faire ?
Pour venir à notre affaire,
1. Inversion, 23, y. — 2. En 1671 et 1674, La Fontaine a publié
une IIIe et une IVe série de Contes, inspirés de Boccace (1313-1375).
— 3. Divinités, allégorie, 23, b.