Page 329 - Les fables de Lafontaine
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TIRCIS ET AMARANTE               323

             Ils ne voyaient nul mal à craindre 2.
      Le charton * dit au porc : « Qu’as-tu tant à te plaindre ?
      Tu nous étourdis tous. Que ne te tiens-tu coi?
      Ces deux personnes-ci, plus honnêtes * que toi,   15
      Devraient t’apprendre à vivre, ou, du moins, à te taire.
      Regarde ce Mouton : a-t-il dit un seul mot?
               Il est sage *. — 11 est un sot!
      Repartit le Cochon ; s’il savait son affaire *,
      IJ crierait comme moi du haut * de son gosier,   20
             Et cette autre personne honnête *
             Crierait tout * du haut * de sa tête.
      Ils pensent qu’on les veut seulement décharger,
      La Chèvre de son lait, le Mouton de sa laine.
             Je ne sais pas s’ils ont raison,        25
             Mais, quant à moi, qui ne suis bon
             Qu’à manger, ma mort est certaine.
             Adieu mon toit et ma maison! »

      Dom Pourceau raisonnait en subtil personnage,
      Mais que * lui servait-il? quand le mal est certain, 30
      La plainte «ni la peur ne changent le destin * ;
      Et le moins prévoyant est toujours le plus sage.

        Exercice complémentaire. — Qui a raison, en cette affaire :
      le Charton, les deux animaux « honnêtes », Dom Pourceau, ou... La
      Fontaine dans sa morale?



                 13.  — TIRCIS ET AMARANTE
                 Pour Mademoiselle de Sillery

        Source. — Inconnue.
        Intérêt. — C’est une idylle en forme de bergerie, que La Fon­
      taine adresse ici à Gabrielle-Françoise de Sillery, nièce du duc
      de La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes. Mlle de Sillery
       2. Style indirect, 29, z.
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