Page 33 - Les fables de Lafontaine
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INTRODUCTION

     Il est plat, mais il lui arrive d’avoir de l’esprit et c’est une source
      importante de La Fontaine.
       Guillaume Guéroult, autre Normand de Caen, introduisit
      27 fables en vers français dans son Premier Livre des Emblèmes,
     publié à Lvon en 1550. C’était un voyageur, médecin, botaniste,
     correcteur d’imprimerie à Lyon, bref un véritable humaniste;
     mais sa vraie gloire est d’avoir été une source pour La Fontaine.
       Seul parmi les poètes de la Pléiade, Antoine de Baïf a rimé une
     vingtaine d’apologues dans ses Mimes, enseignements et proverbes
     de 1576.
       L’obscur Hégémon, qui s’appelait en réalité Philibert Guide,
     a publié en 1583 des fables morales et autres poésies, en décasyl­
     labes, à la suite de sa Colombiere et maison rustique, où La Fontaine
     est allé les dénicher.
       Au XVIe siècle, comme avant, la fable orne parfois les œuvres
     des vrais littérateurs ; c’est déjà le cas pour Baïf que nous avons
     cité ; c’est le cas également pour Bonaventure des Périers qui,
     dans ses Nouvelles récréations et joyeux devis (1558), aconté l’aven­
     ture du savetier Blondeau et celle de la Laitière et du Pot au lait
      qui ont servi de thème aux deux chefs-d’œuvre de La Fontaine.
     C’est encore le cas pour François Rabelais qui est, non pas seule­
     ment une source, mais un maître de La Fontaine, au moins pour
     le vocabulaire. Il a mêlé quelques fables à son roman de Pantagruel
     et Gargantua, notamment le Bûcheron et Mercure. Avant ceux-là,
      Marot s’était amusé à conter, en 1526, l’aventure du Lion et du
      Rat dans une épître à son ami Lyon (Léon) Jamet, pour l’inciter
     à venir, lui, Lyon, délivrer le pauvre rat Clément, coupable d’avoir
     mangé le lard en Carême.
       Mais on voit que, en dépit de Marot, des Périers, Rabelais, la
     fable ne se constitue pas plus en genre littéraire au XVIe siècle que
      dans le moyen âge ou dans l’antiquité ; elle reste le gibier des
     érudits, dès pédagogues que leur nombre n’aurait pas sauvé de
     l’oubli si La Fontaine n’avait projeté sur ses prédécesseurs et
      ses sources un raÿon en retour qui les fait émerger des ténèbres.
       Au xviie siècle, la situation de la fable ne s’améliore pas : qui
      connaît Pierre Boissat aujourd’hui ? Ce fut pourtant un des premiers
     membres de l’Académie, un de ces noms que Rostand énumère
     complaisamment dans Cyrano, en ajoutant malicieusement :
            Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c’est beau !
       En effet, Pierre Boissat ne mourra pas, tant que les érudits
      attachés aux flancs de La Fontaine étudieront les sources de son
      œuvre, car il a publié, en 1633, sous le nom de Beaudoin, les
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