Page 38 - Les fables de Lafontaine
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          presque étrangère, dans l’expression, au christianisme et forte­
          ment teintée de pessimisme. On pourrait en dire tout autant de
          la morale de Molière, de celle de Racine, surtout de celle de La
          Rochefoucauld. Les grands classiques étudient l’homme dans sa
          nature corrompue, sous la seule lumière de la raison et de l’expé­
          rience, hors de la Rédemption. Il faut attendre La Bruyère et ses
          Caractères (1688) pour retrouver l’accent et les mots chrétiens
          sous une plume non ecclésiastique.
            La morale de La Fontaine, comme celle de ses contemporains,
          est celle de cet « honnête homme » qu’il a lui-même incarné si
          parfaitement. Or, l'honnête homme, selon les idées du temps,
          c’est l’homme du monde, préoccupé avant tout de faire bonne
          figure dans la mêlée des intérêts humains et gardant au fond de
          lui-même de profondes convictions chrétiennes, teintées même
          souvent de jansénisme, mais réservées au secret de l’oratoire ;
          elles ne s’épanouiront au grand jour qu’au moment de la conver­
          sion. Mais alors elles s’épanouiront en fleurs de sainteté, sur le
          modèle des Pères du Désert. Rappelons-nous Rancé.
            On peut décrire ainsi les idées maîtresses de cette morale :
            1.  Horreur du mensonge sous toutes ses formes : a) mensonge
          des paroles (flatterrie, ruse, vantardise...) ; b) mensonge des appa­
          rences (grimaces, luxe, hypocrisie...). On reconnaît là cette « âme
          sincère » dont nous a parlé Maucroix (n° 13 à la fin).
            2.  Horreur de la violence.
            3.  Nécessité de l'effort personnel et de l’entraide.   •
            En voici maintenant le détail, classé par ordre alphabétique,
          avec l’indication des fables qui illustrent chacune de ces idées.
          Cette liste, telle quelle, permettra l’étude sur pièces des idées
          morales de La Fontaine. Elle permettra également de grouper
          l’étude des fables par « centres d’intérêt ».
           a)  L’amitié. IV, 17. VIII, 10. VIII, 11. IX, 2. XII, 15.
           b)  L’amour. IV, 1. VII, 12. VIII, 13. IX, 2. X, 10. XI, 2. XII, 14.
               XII, 24.
           c)  Apparence et réalité. VI, 17. IV, 10. IV, 14. I, 7. VI, 5. VIII, 9,
               VII,  14. VII, 17. IX, 2. V, 14. XI, 7.
           d)  Avarice. IV, 20. V, 13. VIII, 27. IX, 15. X, 4. XII, 3. XII, 6.
               XII, 13.
           e)  Les biens de fortune. I, 1. III, 17. IV, 2. V, 3. IX, 10. XII, 5.
               V, 9. VI, 3- VI, 17. VII, 8. VII, 11. VII, 13. VII, 14. VIII, 2.
               VIII,  7. IX, 15. XII, 3. XII, 6. XII, 7.
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