Page 42 - Les fables de Lafontaine
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38         LES FABLES DE LA FONTAINE
             Cette fois, il s’agit, comme on le voit, d’une accumulation de
            propositions interrogatives. Dernier exemple, où l’accumulation
            des noms exprime le mépris :
                     A moins que la figure
                Ne soit d’un éléphant nain, pygmée, avorton. (X, 13, 25-26.)
             b)  Allégorie. L’allégorie consiste à prolonger une métaphore de
            manière à en faire un mythe qui exprime symboliquement des
           idées abstraites. Cf. VI, 20, la Discorde. L’allégorie personnifie les
            abstractions. Le temps y devient un vieillard armé d’une faux, ou,
            au contraire, un génie ailé, bienveillant :
                     Sur les ailes du Temps, la tristesse s’envole ;
                     Le Temps ramène les plaisirs. (VI, 21, 3-4.)
             Ici, le temps, les plaisirs, la tristesse, et, dans la même fable, les
           Amours (v. 40) sont personnifiés. En d’autres endroits, ce sont les
           qualités sociales des personnages qui sont idéalisées ; ainsi les
           grands personnages, les grandes dames deviennent des divinités
            (voir XI, 2).
                     Ce n’est pas comme en en use
                     Avec des divinités... (VIII, 13, 8-9.)
             Ailleurs, un vice devient un personnage caractérisé :
                Fureur d’accumuler, monstre de qui les yeux
                Regardent comme un point tous les bienfaits des dieux... (VIII, 27.)
             Ou c’est une qualité des hommes ou des choses :
                (Le bouton des fleurs) douce et frêle espérance,
                Avant-coureur des biens que promet F abondance. (IX, 5, 14-15.)
             La Fontaine use et abuse de l’allégorie. C’était à la mode et le
            style allégorique fait partie de la galanterie mondaine (cf. la carte
            de Tendre) aussi bien que du langage du courtisan. C’est un des
           traits du style Louis XIV, hérité du moyen âge (cf. Roman de la
            Rose) et ravivé par la mythologie mise à la mode par la Renaissance.
             c)  Alliance de mots. Cette figure consiste à réunir deux mots
            qui semblent n’avoir pas de rapport entre eux. C’est souvent une
            forme de l’antithèse :
                     Elle part, elle s’évertue,
                     Elle se hâte avec lenteur. (VI, 10, 21-22.)
             Cette alliance de mots est de plus une allusion au proverbe latin :
            Festina lente (hâte-toi lentement).
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